De création récente pour réprimer un phénomène séculaire, la Cour criminelle de Néma (1200 kilomètres au sud/est de Nouakchott), dédiée au traitement des infractions relevant de la pratique esclavagiste, a condamné deux (2) individus à 5 ans de prison, et un autre à une année ferme.Ces personnes reconnues coupables de pratique d’esclavage sont Hanena Ould Sidi Mohamed et Khalihina Ould Haymad.
L’arrêt de la cour criminelle anti-esclavage de Néma ordonne également le paiement aux victimes de dommages et intérêts pour 4,5 millions d’ouguiyas (environ 11.000 euros) et le règlement des dépenses de la cour à hauteur d’un million d’ouguiyas à la charge des condamnés.Ce verdict va bien au-delà d’un banal fait divers et revêt une grande symbolique au plan judiciaire, politique et social, notent les observateurs.En effet, prés de 60 ans après l’indépendance, la pratique de l’esclavage fait encore l’objet d’un vif débat en Mauritanie. Les autorités admettent la thèse de la persistance de «séquelles», alors que les ONG anti-esclavagistes dénoncent une pratique «bénéficiant de complicités» au niveau de la société, de l’Etat et couverte par «l’impunité».Par ailleurs, le verdict de la cour criminelle de Néma, prononçant la première condamnant des individus reconnus coupables de pratique de l’esclavage en Mauritanie est annoncé le jour où la Cour suprême a ordonné la remise en liberté immédiate de Birame Ould Dah Ould Abeid, leader de l’Initiative de la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) qui venait de purger une peine de plus de 17 mois de prison à cause de sa dénonciation et de l’esclavage foncier.Avec la libération de l’activiste aux avant-postes de la lutte contre l’esclavage et ces premières condamnations d’esclavagistes, certains observateurs soulignent la volonté de l’Etat d’impulser un vent de détente politique, après plusieurs semaines tendues suite aux déclarations malencontreuses du président mauritanien, à Néma même, à l’égard de la communauté Haratine.Enfin, il faut souligner qu’en août 2015, la Mauritanie a adopté une nouvelle loi faisant de l'esclavage un «crime contre l'humanité». Elle a aussi alourdi les sanctions contre les esclavagistes avec des peines allant jusqu'à 20 ans de prison ferme, contre cinq à dix ans auparavant.
Dans le même sillage, le pays s'est également doté en décembre de la même année de trois tribunaux spécialisés dans les affaires d'esclavage, dont celui de Néma, et a décrété le 6 mars «Journée nationale de lutte contre les pratiques esclavagistes».