Dans un courrier fleuve adressé, conjointement, au président de la République, Mohamed ould Abdelaziz, et à plusieurs ministres (Justice, Intérieur) et hauts responsables, ces organisations «appellent à la libération immédiate et inconditionnelle» de treize militants d’IRA condamnés à des peines de réclusion ferme, variant de trois à quinze ans, «au terme d’une procédure entachée de nombreuses irrégularités».
Les anti-esclavagistes ont été reconnus coupables d’un chapelet d’infractions : «provocation directe à un attroupement armé, violence à l’égard d’agents de la force publique, rébellion, appartenance à une organisation non reconnue», dans un verdict rendu par la Cour criminelle du tribunal de Nouakchott-Ouest, le 18 août dernier.
L’Observatoire mondial pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (OMPDH), fruit d’un partenariat entre la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), «appelle à l’abandon de toutes les poursuites contre les militants d’IRA» et demande, aux autorités mauritaniennes, «de leur garantir le droit à un procès équitable, conformément aux instruments juridiques régionaux et internationaux ratifiés par la Mauritanie».
Se référant à des allégations de tortures, au cours du procès, la FIDH et l’OMTC exigent, également, le respect de l’intégrité physique et psychologique des prévenus. Statuant sur une plainte des avocats de la défense à ce sujet, la Cour criminelle s’est déclarée «incompétente», en dépit de l’adoption, par la Mauritanie, d’un mécanisme de lutte contre la torture, début 2016.
Les ONG exigent «une enquête immédiate, indépendante et transparente, sur ces allégations de mauvais traitements subis par les militants d’IRA, afin d’identifier tous les coupables et de les sanctionner, conformément à la loi».
Par ailleurs, les ONG expriment leur vive inquiétude au sujet de Diop Amadou Tidiane, vice-président du mouvement abolitionniste, «qui reste privé d’accès aux soins médicaux que nécessite son état de santé». Plus généralement, l’OMPDH exhorte les autorités de Nouakchott à mettre à fin au harcèlement judiciaire à l’encontre de tous les militants pour les droits humains en Mauritanie.
Rappelons, enfin, les tenants de la présente affaire. Tout commence le 28 juin 2016 par une expulsion de squatters –une centaine de familles, toutes issues de la frange haratines, anciens esclaves– dans une commune de Nouakchott. Ce déguerpissement a tourné en affrontements violents entre squatteurs et forces de l’ordre, à quelques jours du fameux sommet de la Ligue des Etats arabes (LEA) qui se tenait pour la première fois de son histoire dans la capitale mauritanienne.
Les militants d’IRA sont, dans la foulée, appréhendés et poursuivis, suivant la procédure spéciale du "flagrant délit". Leur défense aura beau plaider, au cours des débats, qu’aucun des responsables arrêtés ne se trouvaient sur le théâtre des affrontements, la Cour se refuse à leur accorder le moindre bénéfice du doute et les condamne lourdement, après un jugement que nombre d’observateurs s’accordent à qualifier d’expéditif.