Mauritanie. Apostasie: le blogueur Mohamed Ould M'Kheitir est libre

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Le 09/11/2017 à 16h29, mis à jour le 09/11/2017 à 16h31

La Cour d'appel de Nouadhibou a cassé le jugement qui condamnait le blogueur Mohamed Ould M'Kheitir à la peine capitale, le ramenant à deux ans de prison. Une peine déjà purgée.

Condamné à la peine capitale pour «apostasie» en janvier 2014 par une cour criminelle, sentence maintenue en appel en dépit d’une requalification des faits en «mécréance», le blogueur mauritanien Mohamed Ould M’Kheitir a finalement échappé à la sanction suprême.

En effet, recomposée avec de nouveaux magistrats suite à un arrêt de la Cour suprême rendue en janvier 2017, la cour d’appel de Nouadhibou (Nord), entrée en session criminelle lundi dernier, a condamné le jeune homme à une peine de deux ans de prison et une amende de 60.000 ouguiyas.

Une sentence rendue conformément à l’article 306 du Code Pénal (CP) mauritanien. Celui-ci dispose que «tout musulman coupable d’apostasie sera invité à se repentir dans un délai de 3 jours. S’il ne se repend pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu’apostat».

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La même disposition poursuit par ailleurs en ces termes: «Toute personne coupable du crime d’apostasie (Zendagha), sera, à moins qu’elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort. Si elle se repent avant l’exécution de la sentence, le parquet saisit la cour suprême à l’effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au premier alinéa du présent article (3 mois à 2 ans de prison et une amende de 5000 à 60.000 ouguiyas, soit de 15 à 181 euros)».

Détenue à titre préventif depuis janvier 2014, le jeune blogueur, dont les parents ont trouvé asile politique en France depuis plusieurs mois, devrait ainsi humer l’air de la liberté à partir de ce jeudi après-midi.

L’épilogue de cette affaire va bien au-delà d’une décision strictement judiciaire. En effet, le traitement de ce dossier a été marqué par plus de trois années de mobilisation d’une «rue» fortement encadrée par la mouvance islamiste radicale, qui a exigé la tête du blogueur au cours de nombreuses manifestations.

En face, les ONG de défense des droits humains, notamment Human Rights Watch (HRW) et la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), ont dénoncé « la persécution» d’un blogueur présenté comme «un détenu d’opinion» et exigé sa libération sans condition.

Dans une déclaration conjointe des deux organisations, rendue publique en début de semaine, Sarah Léah Whitson, directrice de la Division Moyen Orient Afrique du Nord de HWR, s’insurgeait contre la détention de Mohamed Ould M’Kheitir en ces termes: «La Mauritanie ne devrait accuser personne d’apostasie, et encore moins, condamner un blogueur à mort pour une accusation aussi absurde basée sur un article qu’il a écrit. C’est une bonne chose que la Cour d’appel réexamine cette affaire, mais M’Kheitir n’aurait jamais dû être initialement poursuivi».

Depuis décembre 2013, le débat oppose deux interprétations irréconciliables. Pour la mouvance islamiste radicale, le jeune blogueur a renoncé à sa religion en critiquant les pratiques sociales en vigueur à l'époque du Prophète. En face, la thèse de Mohamed Ould M’Kheitir, qui dénonce le recours à des arguments religieux pour justifier la marginalisation de la caste des forgerons au sein de la société mauritanienne.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 09/11/2017 à 16h29, mis à jour le 09/11/2017 à 16h31