Mauritanie: les raisons du carnage sur les routes

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Le 12/08/2018 à 17h09, mis à jour le 12/08/2018 à 17h39

Les routes mauritaniennes sont de plus en plus meurtrières. Les principaux facteurs à l'origine de cette situation sont connus. Les responsables semblent peu s'émouvoir de la situation. Toutefois, l'ampleur de la situation et les réseaux sociaux semblent pousser les autorités à réagir.

Depuis le début du mois d'août, ce sont plusieurs dizaines de personnes qui ont perdu la vie dans des accidents des circulations, sans compter le nombre élevé de blessés dont certains sont devenus des handicapés à vie.

La multiplication des accidents au cours de ces dernières années s'explique par une multitude de facteurs: indiscipline des chauffeurs, état calamiteux des routes, dunes de sables qui couvrent une partie de la route, corruption des agents en charge de la circulation, le laisser-aller des autorités, la surcharge des voitures de transport, le non-respect de la règlementation, l'excès de vitesse, etc..

Conséquence, les accidents sont de plus en plus meurtriers. Ainsi, selon des chiffres de «Dune-Voices» de 2017 "les accidents de la route en Mauritanie fauchent les âmes à toutes les heures. 22 accidents sur la voie publique ont lieu chaque jour, c'est-à-dire un accident toutes les heures et 6 minutes".

En plus, selon les mêmes statistiques, "en plus de la moyenne d’une personne décédée toutes les 48 heures, ces accidents causent tous les jours des blessures à huit personnes, ce qui revient à la moyenne d’une personne blessée toutes les 3 heures". Selon plusieurs sources, la situation est même beaucoup plus catastrophique.

En entrant dans le bureau du directeur des sinistres d’une compagnie d’assurances de la place, le visiteur est tout de suite frappé par un tableau accroché au mur et sur lequel on peut lire "des centaines de morts, des milliers de blessés, des hospitalisations coûteuses, des dégâts matériels importants, causés par l’indiscipline, les surcharges de personnes, de bagages, d’animaux, le manque de signalisation routière, l’état général du parc automobile…".

Au-delà de ces maux structurels, un autre professionnel de la branche déplore également "le laxisme dans le contrôle opéré par les agents chargés de la sécurité routière, la corruption ambiante, l’absence de rigueur dans la procédure de délivrance des permis de conduire, notamment le permis vert destiné au transport" .

Certains avancent «le comportement peu discipliné de nombreux individus. Venus de la brousse, débarquant fraîchement dans les centres urbains, habitués à monter sur des ânes, des chameaux, et qui se retrouvent subitement et sans transition, au volant d’un véhicule".

D'autres pointent du doigt "l’indiscipline des conducteurs, qui ne respectent pas les principes du Code de la route: vitesse excessive, dépassement à des endroits non autorisés et en deuxième position, parfois même troisième position, déficit de temps de repos pour les chauffeurs des transports en commun…".

Mauvaise gouvernance et responsabilité du régime

Face à cette situation, à côté des réseaux sociaux où l'on dénonce la situation, le FNDU, coalition de l'opposition radicale au régime en place, constate avec désolation que "les routes de l’espoir (Nouakchott-Nema)-, Nouakchott-Rosso et Nouakchott-Nouadhibou, sont devenues de véritables abattoirs, qui emportent, au quotidien, leur lot de vies humaines et de dégâts matériels".

Pour l'opposition, "l’entretien de ces axes vitaux a été abandonné depuis plusieurs années, et l’Entreprise nationale pour l’entretien routier (ENER), qui en assurait le contrôle, a été mise en faillite et dissoute. Une situation qui contribue à paralyser l’économie nationale et se répercute négativement sur le pouvoir d’achat des populations".

La déclaration du collectif de l’opposition mauritanienne établit une comparaison avec les pays frontaliers "tout mauritanien qui rentre aujourd’hui au pays par la route, en provenance de nos voisins (Maroc, Sénégal et Mali) ne peut qu’éprouver une profonde humiliation face à la situation désastreuse dans laquelle se trouve notre réseau routier national en comparaison avec ces pays".

Par ailleurs, note la déclaration du FNDU "à l’état dramatique de ces axes vitaux, s’ajoute l’irresponsabilité, la corruption, la faiblesse de l’administration, qui sont devenues des constantes de notre gouvernance actuelle. Ni le corps chargé de la sécurité routière, ni les postes de contrôle pourtant nombreux sur ces axes, ne se soucient des contraventions, et ferment les yeux sur les cas de surcharge et d’excès de vitesse".

Stratégie nationale de sécurité routière 

Face au tollé soulevé par les morts de ces derniers accidents, les autorités sont enfin sorties de leur mutisme. Dans l'immédiat, elles ont adopté une série de mesures. Parmi celles-ci, un contrôle plus sévère de la part du Groupement général pour la sécurité routière (GGSR), en charge de la circulation routière, des postes de gendarmerie et de police.

Par ailleurs, mardi dernier, le ministère de l’Equipement et des transports a organisé un atelier de validation d’une nouvelle Stratégie nationale de sécurité routière (SNSR).

Une rencontre à l’occasion de laquelle, Lam Mamadou, conseiller technique du ministre, et secrétaire général du département par intérim, a exprimé toute l’importance que le gouvernement accorde à la sécurité routière. Ce qui justifie une volonté d’adoption rapide de la stratégie et de création d’un Conseil national de sécurité routière (CNSR).

Nouakchott compte ainsi adopter une Stratégie nationale de sécurité routière (SNSR) créer un Conseil national pour la sécurité routière (CNSR). Celle-ci va se traduire par "des campagnes de sensibilisation sur la sécurité routière, sur l’importance du respect des dispositions du Code de la route par les conducteurs, une application plus rigoureuse de la loi par les agents qui en ont la charge, une révision de la procédure de délivrance des permis…". La mise en œuvre d’une telle stratégie revêt le caractère d’une urgence dramatique aujourd’hui.

Par ailleurs, les observateurs relèvent également des difficultés liées à la lenteur des secours, en référence au cas horrible de ces trois (3) individus, membres d’une même famille, roulant à bord d’un véhicule léger écrasés sous le poids d’un gros porteur et restés pendant 3 longues heures avant que les secours parviennent à les dégager. Evidemment, c’était déjà trop tard, alors que certains témoins soutiennent qu’une intervention plus rapide aurait pu sauver une de ces vies.

Face à cette situation, la société civile aussi prend ses responsabilités. "Dune-Voices» évoque l’action de ces dizaines de jeunes bénévoles "qui prennent position à la sortie Est de Nouakchott, pour sensibiliser les conducteurs empruntant la route de l’Espoir aux risques d’accidents sur la voie publiques, donnant des informations et des conseils précieux aux usagers".

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 12/08/2018 à 17h09, mis à jour le 12/08/2018 à 17h39