Mauritanie: HRW demande l'abandon de poursuites contre un activiste

Abdallahi Salem Ould Yali, activiste mauritanien.

Abdallahi Salem Ould Yali, activiste mauritanien. . DR

Le 24/09/2018 à 07h16

Human right watch (HRW) demande l'abandon de poursuites contre un activiste haratine de Mauritanie, détenu à titre préventif depuis janvier 2018. Accusé «d’incitation à la violence et à la haine raciale», il encourt une longue peine de prison s’il est reconnu coupable.

Human right watch (HRW) demande aux autorités mauritaniennes de mettre fin aux poursuites contre Abdallah ould Salem Yali, un activiste issu de la communauté haratine, détenu à titre préventif depuis janvier 2018, à travers un document diffusé ce week-end.

Le détenu est accusé «d’incitation à la violence et à la haine raciale» à travers des messages affichés sur les réseaux sociaux, notamment «Whatsapp».

L’activiste de 43 ans est emprisonné à titre provisoire sur la base d’un mandat délivré par un juge d’instruction du pôle antiterroriste du tribunal de Nouakchott Ouest. Il encourt une longue peine de prison s’il est reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés.

L’organisation de défense des droits humains ne semble pas convaincue de la thèse de l’accusation. Elle perçoit la démarche de l’activiste mauritanien comme relevant de «l’usage pacifique de la liberté d’expression» qui est un principe fondamental dans tout régime de démocratie.

Ainsi, HRW plaide en faveur de l’abandon «de tous les chefs d’inculpation retenus contre l’activiste Aballah Salem ould Yali, relativement à sa prise de parole pacifique pour défendre une communauté marginalisée à laquelle il appartient, et faire en sorte qu’il ait rapidement accès à tous les éléments à charge contenus dans le dossier».

Mme Sarah Leah Witson, directrice de la division Moyen Orient-Afrique du Nord de HRW, estime que «personne ne devrait être poursuivi simplement pour avoir attiré l’attention sur la détresse de sa communauté. Si les autorités mauritaniennes prétendent qu’il est réellement coupable d’incitation à la haine raciale et à la violence, elles devraient donner le temps nécessaire à Yali et à son avocat, pour accéder aux éléments de preuves dont elles comptent se servir» dans le cadre d’un futur procès.

L’accusation soutient qu’Abdallah ould Salem Yali a envoyé des messages haineux, à travers lesquels il invitait les membres d’un groupe «Whatsapp» composé de 250 personnes «à montrer leurs limites à ces chiens, en apportant des armes de l’extérieur». Une exhortation assortie d’un engagement à rester aux côtés de ceux qui acceptent de mener le combat.

Dans le traitement de cette affaire, le parquet fait référence à l’article 83 du Code Pénal (CP) réprimant les individus reconnus coupables d’avoir «incité les citoyens à s’armer contre l’autorité de l’Etat, ou à s’armer les uns contre les autres».

Par ailleurs, les articles de la loi spéciale sur la cybercriminalité auxquels se réfère l’accusation portent sur le fait d’avoir insulté une personne «en raison de son appartenance à un groupe qui se caractérise par la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale, ou ethnique, ou un groupe de personnes qui se distinguent par l’une de ces caractéristiques».

A la lecture de ces différentes dispositions, HRW note que «les problèmes d’ethnie et la discrimination sont des questions sensibles en Mauritanie, et à la base de nombreuses lois contenant des dispositions très générales, imprécises, utilisées pour réprimer le recours pacifique à un discours critique».

Ainsi, le gouvernement est invité à réviser le Code pénal (CP), la loi sur la cybercriminalité et la loi antiterroriste, avec l’objectif d’éliminer «les dispositions générales excessives et vagues, non conformes aux normes internationales en matière de droits humains, concernant la définition des infractions telles que l’incitation à la violence ou la haine raciale».

En plus, ces questions doivent être traitées dans un contexte général de respect de la liberté d’expression. Le document de HRW présente les Haratines comme «des descendants d'esclaves à la peau sombre, qui représentent plus d'un tiers de la population mauritanienne».

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 24/09/2018 à 07h16