Rwanda: «Il n’y a rien d’étonnant à inclure les femmes dans la vie politique», la présidente du Parlement revient sur 30 ans de reconstruction du pays

Donatille Mukabalisa, présidente de la Chambre des députés du Rwanda

Le 11/04/2024 à 12h14

Alors que de nombreux pays luttent pour atteindre la parité, le Rwanda se démarque avec une majorité de femmes à la Chambre des députés. Pour Le360 Afrique, Donatille Mukabalisa, présidente de la Chambre des députés, revient sur le chemin parcouru ces 30 dernières années avant de parvenir à ce niveau d’équité homme-femme.

En 2008, la Chambre des députés du Rwanda est devenue le premier Parlement national élu où les femmes étaient majoritaires. Selon le rapport de l’Union Interparlementaire (UIP) du 5 mars 2024, le Rwanda maintient sa position de leader mondial avec 61,3% de femmes à la Chambre des députés et 34,6% au Sénat. Les femmes occupent depuis plusieurs années 55% des postes ministériels.

La Journée internationale de la femme le 8 mars dernier a mis en lumière les progrès réalisés par le pays au cours des trente dernières années en termes d’autonomisation des femmes et de leur contribution au développement du pays.

Parmi elles, une jeune entrepreneure agricole de 28 ans dont le parcours depuis son village natal est particulièrement inspirant, une militaire au grade de colonel, l’une des premières à atteindre ce niveau dans la hiérarchie dans le pays, et une jeune ingénieure civile et entrepreneure qui a conquis les marchés internationaux.

Dans ce qui suit, Donatille Mukabalisa, présidente de la Chambre des députés du Rwanda, évoque pour Le360 Afrique la contribution des femmes rwandaises à la reconstruction de leur pays, 30 ans après le génocide perpétré contre les Tutsis en 1994.

Le360 Afrique. Les femmes rwandaises sont intégrées et soutenues dans tous les aspects de la vie du pays. Qu’est-ce qui a motivé le Rwanda à adopter cette approche ?

Donatille Mukabalis. Tout d’abord, il n’y a rien d’étonnant à inclure les femmes dans la vie politique, économique et sociale du pays, car il s’agit d’une question de droit et de responsabilité, et non pas d’une faveur. L’inclusion des femmes dans la vie politique, économique et sociale découle de l’idéologie de libération de notre pays, qui garantit l’égalité des droits à tous les citoyens: hommes et femmes, filles et garçons, personnes âgées et jeunes. Nous avons choisi une gouvernance inclusive afin que tous les citoyens bénéficient des mêmes droits, assument les mêmes devoirs et partagent les mêmes responsabilités dans la transformation socio-économique de notre pays.

Comment s’est opéré le changement?

Je dirai que ce qui se faisait auparavant n’était pas normal. Le fait de refuser aux femmes leurs droits à travers les lois, les politiques et la gouvernance était anormal. Les femmes étaient considérées comme des citoyennes de second rang et n’avaient pas les mêmes droits que les hommes. Depuis que notre pays a été libéré et que le génocide a été stoppé, il est essentiel d’analyser les causes profondes qui ont conduit à ce génocide contre les Tutsis. Cela était dû à une mauvaise gouvernance, à une politique d’exclusion et de divisionnisme.

Nous avons choisi d’éviter tout cela à tout prix, en reconnaissant que les femmes constituent la plus grande partie de la population, représentant 52% de celle-ci. Aucun pays ne peut prétendre se développer si une telle partie de sa population est laissée pour compte. Par conséquent, en incluant tous les citoyens, dont les femmes et les jeunes, nous avons permis leur participation à la transformation socio-économique du pays, ce qui a conduit à des progrès satisfaisants.

Plus concrètement, comment vous y êtes-vous pris pour mobiliser toutes ces femmes ?

Pour faire avancer cette noble cause, il a été nécessaire de commencer par inclure des dispositions dans la constitution qui prévoient qu’au moins 30% des femmes participent aux instances de prise de décisions. De plus, il est essentiel que les différentes lois tiennent compte de ce nombre de femmes afin de favoriser leur participation à la vie socio-économique du pays. La volonté politique joue un rôle déterminant dans cette avancée, car il est important de mettre en place des lois, des politiques et des programmes efficaces. De plus, il est essentiel d’établir des institutions, telles que le parlement, chargées du contrôle du gouvernement pour vérifier la mise en œuvre adéquate de ces lois.

Il est également nécessaire de mettre en place des institutions chargées de surveiller l’application des dispositions légales et des programmes visant à promouvoir les droits des femmes et à garantir l’égalité des droits entre hommes et femmes. Sans une telle volonté politique et sans ces institutions de suivi, aucun progrès significatif ne peut être réalisé dans l’atteinte des résultats que nous constatons aujourd’hui.

Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux jeunes filles et aux femmes africaines?

Le message que je donnerai à tout le monde, c’est que lorsque les hommes et les femmes ont été créés, le bon Dieu ne les a pas différenciés en termes d’intelligence. Étant donné qu’ils possèdent les mêmes capacités, il est important que les femmes aient confiance en elles-mêmes et se rendent compte de leur capacité à accomplir même ce qui était exclusivement réservé aux hommes.

Par exemple, il était rare de voir des jeunes filles s’orienter vers des études d’ingénierie ou de nouvelles technologies, mais désormais elles acquièrent confiance en elles et constatent qu’elles sont capables de le faire. Par conséquent, mon message est qu’elles continuent à se sentir confiantes et à avancer avec cet état d’esprit.

Par Fraterne Ndacyayisenga
Le 11/04/2024 à 12h14