RÉTRO 2017: Macron-Afrique, ruptures dans la continuité

Les président Emmanuel Macron (France) et Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso).

Les président Emmanuel Macron (France) et Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso). . DR

Le 31/12/2017 à 22h57

Avec Emmanuel Macron, les relations entre la France et l'Afrique ne devraient pas connaitre de grands bouleversements, notamment en ce qui concerne la Françafrique et le franc CFA. Par contre, au niveau de la lutte contre le terrorisme, Macron semble plus engagé que ses prédécesseurs.

A chaque changement de régime, les faits et gestes du nouveau président français sont scrutés avec beaucoup d’attention en Afrique et son discours trace en quelque sorte les contours de sa politique africaine. Il faut rappeler tout de même que de tous les candidats à l’élection présidentielle française, Emmanuel Macron était certainement celui qui avait des idées les moins tranchées, notamment sur les enjeux des relations entre la France et l’Afrique.

Du coup, après son élection, il était très attendu sur les sujets comme la Françafrique, le franc CFA, le terrorisme, etc. Et c’est le discours de Ouagadougou qui devrait éclairer la lanterne des Africains. Macron a mis l’accent sur les périls qui menacent la continent: migration, extrémisme religieux, démographie galopante, analphabétisme, etc.

Pour la Françafrique, à aucun moment Macron ne dit qu’il siffle la fin de celle-ci, comme l’avait pourtant annoncé son prédécesseur François Hollande. Lors de son discours sur la politique africaine de la France, il a souligné que «la France n’a plus de politique africaine». En clair, il n’y a plus de politique spécifique pour l’Afrique. «Il y a une politique que nous pouvons conduire, il y a des amis, il y a des gens avec qui on est d’accord, d’autres non. Mais il y a surtout un continent que nous devons regarder en face».

Bref, comme lors de la campagne présidentielle, Macron est resté flou sur le devenir des relations France-Afrique. Une chose est toutefois certaine: la Françafrique a encore de beaux jours devant elle, mais sans ses réseaux occultes, peut-être. Désormais, le pragmatisme économique aussi sera recherché. La France ne souhaite plus laisser le continent aux nouveaux acteurs émergents: Chine, Turquie, Brésil,…

D’où la tentative d’élargir son champ aux pays anglophones, tout en continuant à garder jalousement sa chasse gardée. On comprend ainsi comment Alstom a délogé le coréen Hyundai Rotem au niveau du marché de matériel roulant du métro d’Abidjan. Un marché financé par la France et qui revient «naturellement» tet otalement aux entreprises françaises,…

Reste que si l’Afrique francophone reste dépendante de la France, le président ghanéen a tenu à apporter une réponse indirecte au discours de Macron à Ouagadougou, en soulignant que «nous (Africains) devront changer notre mentalité de dépendance, cette mentalité de ”ce que peut faire la France pour nous”».

Sur le volet du franc CFA, Emmanuel Macron est partisan du statu quo en vantant la stabilité monétaire qui résulte de cette monnaie héritée de l’ère coloniale.

Toutefois, face au tollé que suscite cette monnaie au niveau des pays de la zone franc, notamment en Afrique de l’ouest, Macron explique qu’il était prêt à discuter du périmètre de cette monnaie, de son nom, voire de la poursuite de l’arrimage de celle-ci à l’euro. Et pour les dirigeants qui critiquent cet ancrage, il explique, «le franc CFA, la France n'en est pas le maître, elle en est le garant. Si un Etat veut sortir, il peut le faire».

En clair, Macron reste persuadé que le franc CFA doit poursuivre son cheminement à côté de la France, même si les pays de la région décident d'en changer le nom. En tout cas, le débat n’est plus tabou en Afrique et la CEDEAO pourrait changer la donne si les dirigeants de cet ensemble réussissent à lancer leur monnaie unique à l’horizon 2020.

S’il y a un domaine dans lequel le président français est engagé, c’est celui de la lutte contre le terrorisme, notamment au Sahel. Il l’a répété lors de sa dernière visite au Niger en soulignant devant les militaires français de la force Barkhane, sur une base aérienne avancée au Niger, que «le Sahel est une priorité: c’est là que se joue notre sécurité, c’est là que se joue une partie de l’avenir du continent africain, mais également sans doute une partie de notre avenir».

Il a pris les devants de cette lutte en contribuant à la mise en place de la Force G5 Sahel, en mettant l’Algérie devant ses responsabilités et surtout en contribuant à trouver des financements de cette force régionale. Il a organisé dernièrement une réunion à l’Elysée avec la présence des présidents des 5 pays du G5 Sahel -Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad-, en présence de la chancelière allemande, des représentants de l’Union européenne, de l’Union africaine, de l’ONU, de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis. Et durant ce mois, ce sont les ministres de la défense des 5 pays de la région qui se retrouveront à Paris, devenue la plaque tournante de la lutte conte le terrorisme au Sahel.

Reste que ce parcours n’a pas été sans faute. Si Macron a souligné dans son discours: «Vous ne lirez jamais chez moi des leçons pour l’autre». Pourtant, quelques mois auparavant, lors du sommet du G20, il est revenu sur les défis du continent africain en soulignant que ceux-ci sont d’ordre «civilisationnel» avant d’assener: «Quand des pays ont encore 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez mobiliser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien»,...

Par Moussa Diop
Le 31/12/2017 à 22h57