Gambie: la classe politique sénégalaise divisée sur une éventuelle intervention militaire

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Le 22/12/2016 à 15h28, mis à jour le 22/12/2016 à 15h42

S’ils s’accordent à dire que Yaya Jammeh est un «despote» et qu’il doit céder le pouvoir à Adama Barrow, comme le réclame la communauté internationale, les acteurs politiques sénégalais sont profondément divisés sur une éventuelle intervention militaire du Sénégal en Gambie.

Faut-il utiliser la force pour déloger Yaya Jammeh, qui refuse de reconnaître sa défaite, et installer Adama Barrow, vainqueur déclaré de l’élection présidentielle gambienne du 1er décembre 2016 ? La réponse à cette question est loin de faire l’unanimité au sein de la classe politique sénégalaise. Comme, du reste, au niveau de l’opinion.

«Je ne suis pas d’accord qu’on pousse le Sénégal à entrer en conflit avec la Gambie parce qu’il y a une importante communauté sénégalaise en Gambie. La Gambie est à l’intérieur du Sénégal et il n’est pas question que l’on fasse la guerre à ce pays», explique Thierno Lô, ancien ministre sous Abdoulaye Wade et secrétaire général du parti l’Alliance pour la paix et la démocratie.

Ce dernier invite la communauté internationale à prendre «ses responsabilités» pour que Yaya Jammeh puisse rendre le pouvoir au peuple gambien. «C’est un problème qui concerne la communauté internationale. Il faut qu’on le règle comme on règle les autres crises politiques. Les va-en-guerre qui veulent pousser le Sénégal à intervenir militairement, il faut qu’on les arrête», explique Thierno Lô, estimant que le Sénégal a suffisamment de problèmes à régler que d’envoyer ses fils s’entretuer avec leurs frères Gambiens.

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Le Parti pour l’action citoyenne s’oppose aussi à toute intervention militaire en Gambie. Un scénario qui risquerait de raviver le conflit casamançais. «Avec cette éventuelle intervention militaire agitée par la CEDEAO, on nous fait entrevoir une nouvelle guerre en Casamance. Nous demandons aux autorités sénégalaises d’user de tous les moyens diplomatiques pour arriver à une résolution pacifique de la situation en Gambie», explique Jean Pierre Diatta, coordonnateur régional du Parti pour l’action citoyenne en Casamance, qui réagissait sur les ondes de la radio RFM. Le Parti pour l’action citoyenne propose plutôt la mise en place d’une commission mixte de médiation composée des gouverneurs des régions frontalières des deux pays et de chefs religieux.

Il y a quelques jours, c’est l’avocat et homme politique Me El Hadji Diouf, leader d’une petite formation, qui s’était prononcé contre une éventuelle intervention militaire, déclarant que «le Sénégal n’est pas le tuteur de la Gambie».

La Gambie ne divise pas que les politiques. Elle divise aussi les diplomates sénégalais. Si certains, à l’image de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Seydina Oumar Sy, estiment qu’il faut se conformer à la ligne de fermeté adoptée par la CEDEAO, d’autres pensent qu’il faut ménager le président gambien sortant. Interrogé par Le Quotidien, Mamadou Fall, ancien ambassadeur du Sénégal à Banjul, estime qu’il faut «faire des concessions» en assurant une amnistie judiciaire à Yaya Jammeh et son entourage.

Cette division de la classe politique sur la Gambie se reflète aussi au niveau de l’opinion. Beaucoup de Sénégalais avec qui nous avons échangé redoutent l’effet domino d’une déstabilisation de la Gambie. Surtout en Casamance. Même si beaucoup ne cachent pas leur désir de se «débarrasser» de Yaya Jammeh après 22 ans de tensions.

Par Ibrahima Diallo (Dakar, correspondance)
Le 22/12/2016 à 15h28, mis à jour le 22/12/2016 à 15h42