Le gouvernement s’inquiète du déficit d’enseignants de philosophie et de mathématiques

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Le 26/05/2016 à 18h45

Malgré une tradition de grands philosophes, l’enseignement de la philosophie décline d’année en année au Sénégal. La situation n’est guère meilleure pour ce qui est des mathématiques.

Ce constat d’impuissance du ministre sénégalais de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam, pour expliquer le «déficit» d’enseignants dans ces deux disciplines s’explique, certes, par une désaffection des élèves pour ces matières réputées «difficiles».La preuve, il n’y a pas eu de lauréat en philosophie lors du dernier concours général, alors que le parrain même n’était personne d’autre que Souleymane Bachir Diagne, l’un des plus éminents philosophes du continent actuellement.En plus des perturbations liées aux récurrentes grèves des enseignants, il n’est pas rare, surtout en début d’année, de voir des élèves en classe de terminale faire la grève «parce qu’il manque un prof de philosophie ou de mathématiques», déplore le ministre.Le déficit est tel que parfois le gouvernement avait eu recours aux diplômés de sociologie pour dispenser les enseignements de philosophie dans les lycées. Il hésite désormais à ouvrir de nouveaux lycées. «Il ne sert à rien de créer un lycée pour que dans deux ou trois ans, il manque un prof de philosophie ou de maths», explique Serigne Mbaye Thiam.Pour le philosophe Souleymane Bachir Diagne, l’enseignement de la philosophie est un «reflet de ce qu’il en est de notre enseignement en général». «La maîtrise de l’argumentation pour comprendre les textes et pour conduire un raisonnement philosophique, cela suppose une maîtrise de la langue et des connecteurs logiques sur lesquels un argument se construit», diagnostiquait-il, dans une interview qu’il nous a accordée.Mais cette crise de la vocation d’enseignement de certaines disciplines (les mathématiques sont aussi concernées) est plus fondamentalement révélatrice de la crise que traverse le système éducatif sénégalais, pourtant jadis réputé pour sa qualité, mais aussi et surtout son déséquilibre.Alors qu’un pays comme le Maroc affiche un taux de 60% d’étudiants qui suivent des filières scientifiques (contre 40% de littéraires), deux-tiers des étudiants sénégalais suivent des filières littéraires. Dès lors, pas étonnant que le pays manque de profs de maths !Reste maintenant à savoir comment corriger ce déséquilibre. Le Pr Souleymane Bachir Diagne, à qui le président Macky Sall avait confié la mission de mener une réflexion sur l’avenir de l’enseignement supérieur sénégalais, avait préconisé, en 2013, une réorientation du système en faveur des sciences.Pendant ce temps, gouvernement et syndicats d’enseignants continuent de se livrer à une guerre ouverte. Exaspéré par la grève des enseignants – qui dure depuis plusieurs semaines – le ministre de l’Education nationale a annoncé, hier soir, la décision du gouvernement d’envoyer des «réquisitions» aux enseignants pour les obliger à mettre fin à la rétention des notes des élèves du premier semestre.

Par Ibrahima Diallo (Dakar, correspondance)
Le 26/05/2016 à 18h45