Sénégal-Ecole: l’impossible «ubbi tey, jang tey»

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Le 05/10/2016 à 13h59, mis à jour le 05/10/2016 à 14h36

Alors que la rentrée scolaire est prévue aujourd’hui, mercredi 5 octobre, le ministère de l’Education nationale mise sur le concept «ubbi tey, jang tey» (démarrage des cours dès la rentrée). Un objectif difficile à atteindre pour plusieurs raisons.

Depuis l’année dernière, le ministère sénégalais de l’Education nationale fait du concept «ubbi tey, jang tey» (démarrage des cours dès la rentrée) son credo. L’objectif, comme l’explique Serigne Mbaye Thiam, le ministre de l’Education nationale, c’est de «ne perdre aucun jour sur le quantum horaire. «Ubbi tey, jang tey» ou démarrage des cours dès la rentrée, c’est la somme des secondes perdues ou recueillies qui font des vies ratées ou perdues», a théorisé le ministre lors de l’inauguration d’une école dans la banlieue dakaroise, ce mardi.

Pour matérialiser sa volonté, le gouvernement a mis 3,5 milliards de FCFA à la disposition des 8.136 écoles élémentaires pour cette rentrée.

Cependant, des efforts restent à faire dans le domaine de l’environnement physique des écoles. Ce que reconnaît le ministre lui-même. En effet, sans parler des «abris provisoires» (des écoles en paille, en milieu rural, qui ne sont fonctionnelles qu’après la saison des pluies), plusieurs établissements, y compris à Dakar, sont inondés ou envahis par les herbes.

«C’est seulement ce lundi 3 octobre (date de la rentrée pour les enseignants) que les sapeurs-pompiers sont venus pour tenter d’évacuer les eaux», explique S. S., qui sert dans un collège dakarois. Il fait partie des rares enseignants à rejoindre leur poste le jour indiqué. A. B., qui sert dans un village enclavé dans le département de Kébémer (centre-nord du pays), lui, n’envisage pas encore de rejoindre son poste. «Même si j’y allais maintenant, je ne verrai aucun élève avant la fin des travaux champêtres», se justifie A. B.

Il raconte cette anecdote ahurissante : «En plein cours, des parents viennent m’emprunter leurs enfants pour que ces derniers les aident dans les champs. Si je refuse, ils risquent de les sortir définitivement de l’école».

Autant de facteurs qui font qu’il est quasi impossible de faire du «ubbi tey, jang tey» dans certaines localités.

Même dans les grandes villes, le pari n’est pas gagné d’avance. O. S., enseignant dans une école élémentaire de Saint-Louis qui, lui aussi, n’a pas encore rejoint son poste, explique que le toit de l’école a été emporté pendant les pluies hivernales. «On l'a signalé à l’inspecteur d’académie (IA) depuis plus d’un mois, mais ce dernier ne s’est même pas déplacé pour venir constater les dégâts et saisir l’administration pour la réfection. C’est sûr qu’il faudra patienter au moins un mois pour que les cours puissent démarrer», explique O. S.

Même les élèves ne croient pas au «ubbi tey, jang tey». C. D, 16 ans, est venue passer les vacances chez des parents à Dakar. Elle n’est toujours pas de retour alors que la rentrée c’est déjà aujourd’hui. «Les cours ne vont certainement pas démarrer aujourd’hui. J’attends quelques jours encore avant de rentrer», dit-elle.

Alors pourquoi autant de difficultés pour mettre l’école sur les rails… dès le jour de la rentrée? Il y a plusieurs explications qui tiennent essentiellement de l’inefficacité de l’administration et l’absence de mécanismes de contrôle-suivi-évaluation et éventuellement de sanctions.

Des recommandations avaient, certes, été formulées lors des dernières Assises de l’éducation et de la formation. Mais, d’après l’ONG dite Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (COSYDEP), celles-ci ne sont appliquées qu’à hauteur de 25%.

Par Ibrahima Diallo (Dakar, correspondance)
Le 05/10/2016 à 13h59, mis à jour le 05/10/2016 à 14h36