«Wiri Wiri», la série sénégalaise qui a détrôné les telenovelas dans les foyers dakarois

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Le 20/12/2016 à 20h27, mis à jour le 20/12/2016 à 21h33

C’est la série qui fait actuellement fureur au Sénégal. Diffusée deux fois par semaine sur la Télévision futurs médias (TFM) de Youssou Ndour, «Wiri Wiri» connaît un franc succès auprès du public. Même si le casting laisse à désirer.

Lundi 19 décembre. Il est presque 21 heures dans la Cité Lobatt Fall, un quartier huppé de la banlieue dakaroise. La famille Ndiaye est presque au complet dans le petit salon. On attend impatiemment la diffusion du nouvel épisode de la série « Wiri Wiri ». Mais comme la publicité s’éternise, le mari, un féru de football, zappe entre le match Everton-Liverpool diffusé sur Canal+ et la TFM qui diffuse la série. La femme s’énerve : «Tu ne peux pas rester sur la TFM ? Ça ne va pas tarder à démarrer…». «Ils passent la pub, laisse-moi suivre la fin du match», répond l’homme.

En attendant, la discussion s’engage sur la réception de la série qui fait actuellement fureur à Dakar. Mais à l’instar d’autres familles sénégalaises, les Ndiaye sont divisés sur les personnages. Mme et la fille, Aïcha, sont plutôt séduites par le couple incarné par «Jojo» et Soumboulou, deux des principaux personnages. Monsieur, lui, «n’aime pas» ce couple parce qu’ils ont «comploté » contre Cheikhouna, un autre personnage. Les deux camps sont irréconciliables, mais chacun apprécie l’histoire.

«J’adore cette série parce qu’elle me parle. J’ai surtout appris comment se comporter dans un couple, comment tenir un mari, et surtout la psychologie de l’homme sénégalais», confie madame. «Je pense aussi que c’est une série intéressante parce qu’il y a du suspense», ajoute le mari.

Partant des réalités sénégalaises, la série brasse beaucoup de thèmes: l’amour, la femme, le mariage, la vengeance, la trahison, l'adultère, la jalousie, la sorcellerie, les histoires de famille, etc. «Wiri Wiri parle de la vie quotidienne des Sénégalais. C’est pourquoi, elle rencontre un tel succès», résume Cheikh Ndiaye dit «Jojo», le metteur en scène. Pourtant, à l’instar de beaucoup de productions cinématographiques locales, le scénario de «Wiri Wiri» est loin d’être parfait. «Pour moi, il manque quelque chose dans cette série. On n’y voit aucun personnage au travail. Pourtant, untel est présenté comme le directeur général d’une société, un autre a telle fonction», explique Amadou, enseignant.

Des «failles», les critiques de cinéma en voient énormément dans «Wiri Wiri». «La série a le mérite d’être la plus populaire parmi toutes celles qui sont actuellement diffusées sur les chaînes sénégalaises, mais j’ai l’impression que certains personnages croient être au théâtre, alors que ça n’a rien à voir avec le cinéma», explique Thierno Diagne Bâ, directeur des industries culturelles au ministère de la Culture.

Savoir terminer un film

Dans un entretien accordé au quotidien L’Observateur, ce mardi 20 décembre, ce critique de cinéma décèle les insuffisances du casting: une prison où on voit des fils électriques, un prisonnier qui s’échappe trop facilement, etc. Et puis, «il y a une incertitude sur l’existence d’un scénario bouclé avant le tournage». Qu’importe ces «insuffisances» qui sautent aux yeux des professionnels du cinéma, les téléspectateurs adorent.

A l’image de « Wiri Wiri », d’autres séries sénégalaises tentent de se faire une place dans un paysage médiatique encore dominé par les séries hindoues ou les telenovelas. C’est le cas de «Dinama nekh», Pod et Marichou, «Bettel», Idoles ou «Dikoon».

Mais pour beaucoup de spécialistes, l’usage de la langue wolof est un frein à l’expansion des séries télévisées sénégalaises, souvent de médiocre qualité, réduisant leur audimat au seul public comprenant cette langue. A l’inverse des séries ivoiriennes ou burkinabés qui sont, en général, suivies dans la plupart des pays francophones. Pour les défenseurs de cette thèse, le meilleur exemple, c’est l’absence de comédiens sénégalais à l’émission «Parlement du rire» sur Canal+. D’autres battent en brèche ce genre d’arguments, pointant simplement la faible qualité des productions sénégalaises. Ces derniers citent justement l’exemple des telenovelas et des feuilletons de Bollywood jouées dans d’autres langues, avant d’être traduites ou sous-titrés en français.

Par Ibrahima Diallo (Dakar, correspondance)
Le 20/12/2016 à 20h27, mis à jour le 20/12/2016 à 21h33