Sur beaucoup de radios du monde, l'air de Tadjabone, la chanson la plus célèbre de Ismaïl Lô, a été fredonnée au moins une fois. Tadjabone est en réalité l'air traditionnel que les Sénégalais chantent depuis des générations durant la 10e nuit de Moharrem, le premier mois de l'an musulman, autrement dit, à l'occasion de l'Achoura.
L'Achoura à la couleur sénégalaise est synonyme de carnaval pour les jeunes. Les garçons adoptent une tenue vestimentaire de filles et vice versa. Pour eux, la robe, la marinière ou le caftan de la grande sœur est de mise. De la cendre est utilisée pour improviser un maquillage et les plus extravagants n'hésitent pas à mettre du rouge à lèvres.
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Pour que le carnaval soit réussi, il faut naturellement un instrument de musique généralement fabriqué par les enfants. Et pour ce faire, le "tama", un petit tamtam portatif, on a juste besoin d'un pot de tomate vide et d'une toile en plastique qui se déchire après quelques coups de baguette. Mais peu importe, l'essentiel est de faire beaucoup de bruit afin qu'un adulte amusé accepte de donner la traditionnelle étrenne.
D'autres préféreront le "toukh ngalam" qui signifie littéralement "le mortier en or" et qui est en réalité une guitare à une seule corde. Chacun est censé rivaliser d'ingéniosité pour fabriquer son instrument. Traditionnellement, c'est une calebasse qui est utilisée comme caisse de résonnance, mais de plus en plus souvent on se contente d'une grosse boîte de conserve en métal. Un fil de pêche et un bâton taillé en arc suffiront pour compléter cette boîte à bruit.
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Mais à côté du folklore pour enfants et de ce fameux Tadjabone, la Tamkharite a bien sûr gardé ses aspects de partage et sa dimension spirituelle. Dans l'ensemble des familles musulmanes du pays, on prépare du couscous de mil, de millet ou de maïs en très grande quantité afin d'en donner au plus grand nombre de personnes possible. C'est là l'aspect Thanksgiving de la fête, puisqu'il s'agit à la fois de remercier Allah pour tous les bienfaits dont il a gratifié les musulmans tout au long de l'année écoulée et de les partager avec la famille et les voisins. Aux enfants, on répète que ceux qui n'ont pas suffisamment mangé durant cette nuit seront emportés par l'ange "Abdou Jambar" qui vient peser tout le monde après le dîner.
Ce n'est qu'après cela que l'on passe au spirituel. Chez la plupart des musulmans sénégalais qui sont sunnites et soufis, une longue série de prières est récitée un nombre de fois déterminé. Chapelet en main, les plus religieux n'hésitent pas à psalmodier un millier de fois la sourate de l'Ouverture ou d'autres formules coraniques de soumission.