Sénégal: dialogue de sourds entre l’Etat et le privé

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Le 13/07/2016 à 16h33

L’Etat sénégalais ne parle pas le même langage que le patronat quant à la définition de ce qu’est une entreprise nationale ou encore de la préférence nationale. Le patronat sénégalais demande une discrimination positive dans le système de passation des marchés.

Il est de notoriété publique que l’Etat sénégalais peine à s’accorder avec le secteur privé national sur le rôle et la place de celui-ci dans le processus de développement. Hier, le ministre de l’Economie, des finances et du plan et le patronat ont pu mesurer une fois de plus l'étendue de leurs désaccords.Pourtant la rencontre était destinée à réfléchir sur le rôle et la place du secteur privé dans la mise en œuvre du Plan Sénégal émergent (PSE). Et comme ce fut le cas l’année dernière, c’est à un dialogue de sourds entre autorités ministérielles et patronat qu’on a assisté.«La Chine dit nous prêter de l’argent à travers Eximbank, mais elle nous impose ensuite ses entreprises pour la réalisation des projets qu’elle finance. Je me demande même si nous devons continuer à accepter l’argent de la Chine», s’interroge Baïdy Agne, le président du Conseil national du patronat (CNP), l’une des deux principales organisations patronales du pays.Reprenant une vieille doléance du patronat sénégalais, Agne invite l’Etat à instaurer une discrimination positive dans le système de passation des marchés publics et les contrats de partenariats public-privé (PPP) en faveur de l’entreprise à capitaux majoritairement nationaux.«La réforme que nous demandons, d’une façon permanente, c’est de modifier le code des marchés pour une redéfinition de l’entreprise sénégalaise. Nous pensons que l’entreprise sénégalaise, c’est une entreprise à capitaux majoritairement sénégalais», poursuit Agne, pointant là un des principaux points de désaccord avec l’Exécutif. En effet, le président du CNP a dû accepter que l’on considère la filiale sénégalaise de Henan Chine, présente au Sénégal depuis les années 1970, comme une entreprise sénégalaise. Quant à l’Etat, il considère une entreprise comme sénégalaise quand celle-ci est de droit sénégalais. Point.Pourtant, une bonne part des 1.600 milliards de FCFA (plus de 2,4 milliards d’euros) d’opportunités mises à la disposition du privé dans le cadre du Budget consolidé d’investissement (BCI) est captée par ce genre d’entreprises.Les exemples ne manquent pas. Ainsi, l’Etat a préféré faire appel à une entreprise malaisienne pour la confection des cartes d’identité numérique tout comme il l’avait déjà fait pour les visas biométriques et les passeports. Ce qui fait dire à un membre du patronat que «les entreprises sénégalaises ont des poids aux pieds». Autrement dit, elles ne peuvent grandir devant ce qui ressemble à un accaparement de certains secteurs comme l’eau ou les routes qui sont entre les mains d’entreprises étrangères.Un constat que ne partage pas forcément Amadou Bâ, le ministre de l’Economie, des finances et du plan. «On ne peut pas fermer nos frontières aux autres et vouloir concourir à des appels d’offres à l’étranger. Ce n’est pas conforme à notre positionnement dans le monde», répond ce dernier. Il rejette l’idée selon laquelle les bailleurs de fonds imposent leurs entreprises.Néanmoins, l’argentier du Sénégal promet de tout faire pour que le secteur privé national soit dans de meilleures conditions de performance. Reste à savoir comment.

Par Ibrahima Diallo (Dakar, correspondance)
Le 13/07/2016 à 16h33