Sénégal: le ministre des Finances avoue que les caisses sont vides

Amadou Ba, ministre de l'économie, du plan et des finances

Amadou Ba, ministre de l'économie, du plan et des finances. DR/

Le 17/11/2018 à 09h36, mis à jour le 17/11/2018 à 09h38

L’économie du Sénégal n’est pas en si bonne santé, contrairement à ce que les autorités ont longtemps supposé. Les fluctuations qui ont marqué le cours du baril de pétrole ont fini par déteindre sur le budget national.

Alors que les députés de l'opposition, comme Ousmane Sonko, leader de PASTEF, et Mohamed Lamine Diallo, fondateur du Mouvement Tekki, avaient tiré la sonnette d'alarme dès juin dernier, le ministre des Finances n'a eu de cesse de nier la situation actuelle.

Amadou Bâ était allé jusqu'à prétendre qu'il disposait d'un matelas financier de 700 milliards de FCFA dans les caisses du Trésor. Aujourd'hui, toute sa théorie s'effondre. 

Le Sénégal a de vrais problèmes de trésorerie. Avec les salaires à payer, la dette due aux établissements privés d’enseignement supérieur qu’il va lui falloir éponger au plus vite, ou encore les grands chantiers à finaliser avec le début de la campagne électorale, le ministre des Finances a fini par comprendre que se cacher la tête dans le sable n'était pas la solution idoine.

Lors d’une rencontre avec Louise Corde, directrice des opérations de la Banque Mondiale, Amadou Bâ a évoqué la situation économique du Sénégal en mettant tout sur le compte d'un baril du pétrole sans cesse plus cher.

«La hausse du baril de pétrole de près de 80% et du cours du dollar non répercutée sur le prix du carburant et de l’électricité est à l’origine d’une telle situation économique. Ce qui constitue un manque à gagner de recettes fiscales de plus de 100 milliards de FCFA par an», a-t-il soutenu, mardi 13 novembre.

C’était à l’occasion de la revue conjointe du portefeuille des opérations de la Banque Mondiale au Sénégal.

Le ministre confirme alors les nombreuses alertes lancées, quelques mois plus tôt, par les agents du Fonds Monétaire International (FMI) mais aussi d’autres économistes du pays. T

Tout comme Ousmane Sonko et Mamadou Lamine Diallo, l’ancien Premier ministre du Sénégal sous Abdoulaye Wade, Mamadou Lamine Loum, des chercheurs à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) tels le professeur Meïssa Babou et le docteur Thierno Thioune avaient attiré l’attention de l’opinion publique sur d’éventuels problèmes liés à l’exécution du budget.

Mais Amadou Bâ était très vite monté au créneau. Il n’avait toutefois pas convaincu, car un Etat qui dispose d’une telle somme dans ses caisses n’aurait certainement pas de problèmes à payer ses arriérés.

En brandissant l’argument de la hausse du prix du baril de pétrole pour expliquer les problèmes budgétaires que connait le Sénégal, ne serait-il pas en train de préparer les Sénégalais à une augmentation prochaine des prix de l’électricité et de carburant? Une telle décision du gouvernement contredirait alors les dires de Macky Sall qui voudrait que 2018 soit une «année sociale».

Mais en continuant à subventionner les prix de l’électricité et du carburant, l’Etat court le risque de voir le déficit budgétaire, qui s’était sensiblement réduit ces dernières année, reprendre de plus belle.

Le Gouvernement de Macky Sall est donc aujourd’hui pris entre le marteau et l’enclume, car il faudrait qu’il se décide à tenir le langage de la vérité au peuple, et à se décider à augmenter les prix pour redresser la barre.

Mais la prise d’une telle décision, forcément impopulaire, à moins de 4 mois de la prochaine présidentielle serait risquée pour le Chef de l’Etat, à la quête d’un deuxième mandat. Cruel dilemme pour Macky Sall... 

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 17/11/2018 à 09h36, mis à jour le 17/11/2018 à 09h38