Sénégal : Aliou, le frère gênant du président Macky

Aliou Sall,

Aliou Sall, . DR

Le 29/08/2016 à 12h02, mis à jour le 29/08/2016 à 12h54

Licence pétrolière, transport aérien, amitiés douteuses... Aliou est cité partout. Il vient d’être sommé de s’expliquer. Son dada: être administrateur ou prendre 10% des sociétés qui désirent s'installer. Ses faits d'arme: soustraire des entreprises à des obligations chiffrées en milliards de Fcfa.

Devant la multiplication des "affaires Aliou Sall", "il a été sommé par son frère", affirme une source de Le360 Afrique, de s’expliquer et à apporter des clarifications (voir ici sa déclaration sur l'honneur) aussi bien sur le pétrole que sur le transport aérien, mais également sur la Banque de Dakar et ses relations avec le fisc sénégalais.

Aujourd’hui, perçu par l’opinion publique comme cupide, Aliou plaide "non coupable" pour toutes les accusations portées contre lui. C’est en décembre 2014 qu’une première plainte est déposée par la société civile auprès de l’Ofnac, le gendarme anti-corruption sénégalais. Tout le monde affirme au Sénégal que c'est l'enquête menée sur Aliou Sall par la présidente de l'Ofnac, Nafy Ngom Keïta, qui lui a valu à cette dernière d'être remplacée avant de terminer son mandat initialement prévu en mars 2017.

La société civile sonne l'alerte

L’Alliance Sauvons le Sénégal, association dirigée par Babacar Mbaye Ngaraf, lui reproche plusieurs choses dans sa gestion de Pétro-Tim, une société bénéficiaire de licence d’exploration pétrolière. Pétro-Tim est une société qui appartient à Vasile Frank Timis, homme d’affaires d’origine roumaine et ayant la nationalité australienne. Il se trouve que Frank Timis, présenté comme grand ami d’Aliou Sall, est cité dans les Panama Papers. Il a créé deux sociétés aux Bahamas et aux Iles Caïman. Frank Timis a fait l’objet de deux condamnations pour trafic de drogue en Australie, en 1990 et 1994. Il a dû payer des amendes de 10.000 et 17.000 dollars australiens.

Tout pour Pétro-Tim, rien pour le trésor sénégalais

L’accusation la plus grave est d’avoir cédé 90% des actions de Petro-Tim en ne respectant pas les dispositions de la loi sénégalaise. En effet, l’Etat du Sénégal a des droits de préemption dans n’importe quelle transaction de ce genre. Ces droits permettent d’être le premier acquéreur en cas de cession. Dans le cas où l’Etat renonce à acheter les 90% à céder, il est censé percevoir une compensation financière. A titre d’exemple, mi-juillet, la société ConocoPhilips a décidé de céder 35% des parts détenues dans des blocs pétroliers autour de Dakar Offshore à Woodside. Le prix a été fixé à 350 millions de dollars. En plus de ce prix, Woodside a offert 80 millions de dollars supplémentaires comme droits de préemption, soit 22,85% du prix de cession.

C’est dire qu’en toute logique, les 90% de Petro-Tim cédés par Aliou Sall à Timis Corp. doivent donner lieu à une compensation comparable, ne serait qu’en pourcentage, pour l’Etat du Sénégal. La question se pose de savoir quelle est la valeur de cette compensation. Les experts répondent. Quelque temps après l’opération de transfert entre Pétro-Tim et Timis Corp, cette dernière a cédé 60% à Kosmos Energy pour une valeur de 200 milliards de francs CFA. Cela permet donc d’évaluer les 90% à 300 milliards de Francs CFA.

103 milliards de Fcfa de droits de préemption non payés

En appliquant le ratio de 22,85% comme droit de préemption, Aliou Sall en tant que gérant de Pétro-Tim devait au bas mot payer quelque 68,65 milliards de Fcfa à l’Etat du Sénégal. Dans le même temps, lors de la deuxième transaction de 200 milliards de Fcfa au profit de Kosmos Energy, la même règle du droit de préemption s’applique. Par conséquent, l’Etat du Sénégal devait également empocher la rondelette somme de 45,70 milliards de Fcfa de la part de Petro Tim, cette fois. Donc, au total quelque 103 milliards de Fcfa n'ont pas été empochés par le Trésor sénégalais. Une somme, que l'on impute, à raison, à Aliou Sall.

Actionnaire d'une société de transport aérien

Evidemment, ce n’est pas le seul impair que l’on reproche au frère du président. Jeudi dernier, un journal a publié le fac similé des statuts d’une compagnie aérienne où Aliou Sall possède 10% et figure parmi les gestionnaires. Là également, il se défend bien maladroitement en affirmant qu’il voulait juste attirer des investisseurs au Sénégal. C’est peut-être vrai, lui répond la société civile, mais au passage, il se remplit bien les poches. Car, quelle image donnerait-on du Sénégal si tous les investisseurs doivent consentir à donner 10% de leurs investissements ou nommer administrateur ou gérant le frère du président ou un autre prétendu conseiller? Aliou se garde bien de répondre à une telle question et à bien d’autres.

Admnistrateur de la Banque de Dakar

Il y a également la Banque de Dakar où il est également cité. Evidemment, il ne possède aucune action, mais il est nommé administrateur indépendant. Un cas qui tend bien à se multiplier et qui éclabousse, bien au-delà, Aliou Sall.

Le président Macky ne sortira pas indemne de toutes ses mauvaises pratiques qui laissent penser qu’au Sénégal, pour faire des affaires, mieux vaut nommer Aliou Sall administrateur ou l'avoir dans son tour de table. Cela permet, peut-être de se soustraire à certaines obligations, notamment quand on doit payer au Trésor 103 milliards de Fcfa. Mais Macky, dont les ambitions d'un deuxième mandat sont claires, en perd au change. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 29/08/2016 à 12h02, mis à jour le 29/08/2016 à 12h54