Représentants de partis politiques, de syndicats, de la société civile, du patronat et autorités religieuses et coutumières ont pris part au lancement du dialogue national ce samedi 28 mai au Palais de la République.En ouvrant les débats, le président Macky Sall a expliqué le but de ce dialogue : «mener des concertations pour parvenir à un consensus sur la mise en œuvre des réformes constitutionnelles» issues du référendum du 20 mars dernier.A ses yeux, il y a cinq points prioritaires sur lesquels il est nécessaire d’avoir un consensus pour la bonne marche de la démocratie sénégalaise : la modification de la loi portant sur les partis politiques (au nombre de 267 actuellement), la modification du code électoral – pour permettre la participation des candidats indépendants, telle que prévu par la nouvelle Constitution –, le statut de l’opposition et de son chef, le financement des partis politiques, la modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale et du code des collectivités locales (pour mieux prendre en compte l’Acte 3 de la décentralisation).Si l’opposition, malgré ses réserves sur le scrutin, dit «prendre acte» l’expression de la volonté populaire et ne conteste donc pas la nouvelle Constitution, elle a fait connaitre ses nombreux griefs à l’encontre du pouvoir actuel.Sur le plan purement politique, elle a vertement critiqué le rôle du ministre de l’Intérieur à la fois «partisan» (il est membre de l’APR, le parti au pouvoir) et organisateur des élections. Un point sur lequel Macky Sall n’entend pas céder : «un chargé des élections indépendant serait un recul démocratique», dit-il !Mais pour le Parti démocratique sénégalais (PDS), la principale formation de l’opposition, la priorité numéro une, c’est la libération de Karim Wade, comme l’a laissé entendre son coordonnateur Oumar Sarr, lui-même fraîchement sorti de prison: «nous allons mettre la libération de Karim Wade dans la balance».Certains (comme l’ancien ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio) ont critiqué le format de ce dialogue, tandis que d’autres opposants et non des moindres (l’ancien président de l’Assemblée nationale et leader de Bokk Guis Guis, Pape Diop, Malick Gakou, leader du Grand parti, ou encore l’ancien Premier ministre et président de Rewmi, Idrissa Seck) ont préféré carrément bouder la rencontre.Au moment où se déroulaient les discussions au Palais, ce dernier a tenu un meeting pour dire ce qu’il pense de la marche du pays dans un discours plein d’ironie. «Comprendre enfin, après 4 ans d’exercice du pouvoir, ses limites est un mérite. Comprendre enfin que la charge du Sénégal est trop lourde pour ses épaules est un mérite. Même si c’est tardif. Comprendre enfin que le Sénégal compte d’autres fils en dehors même de la sphère politique capable de la servir même avec désintéressement c’est un mérite. Et tous ces mérites méritent d’être salués», a déclaré Idrissa Seck, dénonçant au passage «l’imprécision» et «l’impréparation» (de ce dialogue) qui révèlent «l’incompétence du régime actuel».La virulence du ton est à la mesure de l’inquiétude. En effet, pour certains analystes politiques, ce dialogue était un moyen pour le pouvoir de casser la dynamique unitaire de l’opposition née du dernier référendum. En d’autres termes, «isoler» l’opposant le plus radical (Idrissa Seck).L’absence de Khalifa Sall (Parti socialiste) est encore plus ambigüe. Si le maire de Dakar reste cohérent dans sa démarche – il avait appelé à voter «non» au référendum, allant à l’encontre de la ligne officielle de son parti, allié au pouvoir – beaucoup d’observateurs se demandent à quoi joue Khalifa.En effet, il est allé prêcher l’unité du parti (le PS) lors d’un meeting organisé par le jeune député socialiste Barthélémy Dias. Ce dernier déclarera qu’«on ne dialogue pas avec ses alliés» et que la priorité c’est la «reconquête du pouvoir».Bref, sans préjuger sur ce qui en sortira, ce dialogue national a réussi son premier objectif : renouer le fil du dialogue entre pouvoir et opposition. Comme en témoigne cette poignée de main entre Macky Sall et Oumar Sarr, le coordonnateur du PDS. Pour quel résultat ?Si, pour le pouvoir, en difficulté sur plusieurs dossiers ces dernières semaines (comme l’affaire Bictogo), c’est sans doute un bon moment de détente politique, pour l’opposition, c’est le moyen le plus sûr d’obtenir des concessions (libération de Karim Wade ?)Dans tous les cas, convaincu de la vertu de l’exercice, Macky Sall a institué le 28 mai jour du dialogue national au Sénégal.
Le 31/05/2016 à 00h33