Sénégal: guerre ouverte entre l’ex-patronne de l’OFNAC et la présidence

Nafi Ngom Keita, ex-présidente de l'OFNAC et Macky Sall, président du Sénégal.

Nafi Ngom Keita, ex-présidente de l'OFNAC et Macky Sall, président du Sénégal.. DR

Le 02/08/2016 à 10h46, mis à jour le 02/08/2016 à 11h22

Une semaine après son limogeage de la présidence de l’Office nationale de la lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), Nafi Ngom a décidé d’attaquer le décret du président Macky Sall nommant la magistrate Seynabou Ndiaye Diakhaté à sa place devant la Cour suprême pour «excès de pouvoir».

Dans une correspondance qu’elle avait envoyée au président Macky Sall, le 21 juillet, quelques jours avant son limogeage, la désormais ex-présidente de l’OFNAC (Office nationale de la lutte contre la fraude et la corruption) a fait de graves révélations. Elle y disait qu’elle s’abstiendrait de saisir la Cour Suprême pour excès de pouvoir, en cas de son limogeage qu’elle sentait imminent, car le premier président de cette haute juridiction (Mamadou Badio Camara) qui est censé recevoir son recours, «est en désaccord avec l’OFNAC, parce qu’il s’abstient de faire sa déclaration de patrimoine, comme du reste, (les) ministres conseillers», écrit-elle dans cette correspondance reprise par beaucoup de journaux ce matin.

Pire, dans cette lettre, Mme Keïta accuse le président de la République de protéger le président de la haute juridiction : «quand je vous en ai rendu compte, vous m’avez demandé de le laisser tranquille, alors qu’il est assujetti à la déclaration de patrimoine d’après la loi n°2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine».

Par ailleurs, dans sa missive, l’ancien Vérificateur général de l’Etat demandait à retourner à l’Inspection générale d’Etat, son corps d’origine, en cas de limogeage avant le 26 mars 2017, la fin légale de son mandat, à ses yeux. «Si, malgré ces éclairages (sur la durée de son mandat), celui-ci devrait être interrompu avant son terme, je serai dans l’obligation de décliner toute autre forme de collaboration et vous prierais, dans ce cas-là, de bien vouloir signer le décret me remettant à la disposition de mon corps d’origine, l’Inspection générale d’Etat, pour y terminer ma carrière en 2022».

Nafi Ngom Keïta révèle, dans la même lettre, avoir «respectueusement décliné» les propositions de nomination aux fonctions de ministre, d’ambassadeur, de commissaire de l’UEMOA ou de vice-gouverneur de la Banque centrale.

Des révélations qui n’ont pas plu au pouvoir. Aminata Touré, l’ancienne Premier ministre et actuelle envoyée spéciale du président Macky Sall, a estimé dans un entretien paru dans le quotidien «L’Observateur» ce matin, que «Nafi Ngom Keïta doit savoir partir avec élégance», rappelant que c’est le président de la République qui nomme aux fonctions civiles et militaires.

En outre, d’après le journal «l’AS», qui cite «des sources proches du Palais», Nafi Ngom Keïta, derrière sa frimousse d’ange, ne serait pas une orthodoxe en matière de bonne gouvernance : cumul de revenus, gestion patrimoniale basée sur du népotisme, sont, entre autres «cafards», des casseroles que trainerait la dame voilée. Pire, d’après cette source anonyme citée par «l’AS» l’ex-patronne de l’OFNAC n’aurait pas, non plus, fait sa… déclaration de patrimoine. Quoi qu’il en soit, c’est la lutte contre la corruption qui en sort affaiblie.

Par Ibrahima Diallo (Dakar, correspondance)
Le 02/08/2016 à 10h46, mis à jour le 02/08/2016 à 11h22