Sénégal: loi sur le parrainage, le Conseil constitutionnel botte en touche

Macky Sall, président du Sénégal, Pape Oma Sakho, président de la Cour constitutionnelle, et Sidiki Kaba, ministre sénégalais des Affaires étrangères (ancien ministre de la Justice).

Macky Sall, président du Sénégal, Pape Oma Sakho, président de la Cour constitutionnelle, et Sidiki Kaba, ministre sénégalais des Affaires étrangères (ancien ministre de la Justice). . DR

Le 12/05/2018 à 16h14, mis à jour le 12/05/2018 à 16h35

Le Conseil constitutionnel rejette le recours en nullité des députés de l’opposition sur la loi sur le parrainage voté par les députés de la majorité présidentielle. Les sept «sages» se disent incompétents pour statuer sur cette loi controversée.

Comme le redoutait une bonne partie des citoyens sénégalais, le Conseil constitutionnel vient de rejeter le recours introduit par les députés de l’opposition pour annuler la loi sur le parrainage voté le 19 avril 2018 par leurs collègues de la majorité. Dans leur décision publiée ce mercredi 9 mai, les sept magistrats du Conseil se sont déclarés incompétents pour juger de cette loi qui continue à soulever la polémique.

Les députés de l’opposition avaient saisi le Conseil, le 26 avril dernier, pour qu’il déclare «anticonstitutionnelle» la loi sur le parrainage. Cette loi modifiant la Constitution stipule que, désormais, chaque candidat aux élections présidentielles devra récolter 65.000 signatures de citoyens sénégalais pour voir sa candidature validée. Mais elle est très controversée, car selon la majorité des Sénégalais, elle vise à éliminer des candidats de la course vers les élections présidentielles prévues en février 2019. Par cette manœuvre, ont-ils dénoncé, «Macky Sall s’est taillé une Constitution sur mesure».

Toutefois, les sept magistrats de cette institution ont déclaré: «le Conseil constitutionnel n’a pas compétence pour statuer sur la conformité à la Constitution de la loi portant révision de la Constitution et adoptée par l’Assemblée nationale le 19 avril 2019 sous le N°14/2018».

Cette juridiction ajoute également qu’elle «n’est pas compétente pour statuer sur la conformité au règlement intérieur de l’Assemblée nationale de la résolution portant vote sans débat de la loi constitutionnelle N° 14/2018 et de l’adoption de l’amendement apporté».

Mais si du côté des députés de la majorité proche du président Macky Sall, on applaudit, du côté de l’opposition on est étonné par cette décision du Conseil constitutionnel qui, une fois de plus, «tranche en faveur du pouvoir exécutif». «Je suis surpris par cette décision du Conseil constitutionnel. Tant qu’on n’aura pas de Cour constitutionnelle bien évidemment, ce genre de situation va se répéter», a déclaré Malick Gakou, leader du Grand parti.

Certains experts vont même jusqu’à qualifier le Conseil constitutionnel sénégalais de «contre-modèle en Afrique». Sur les colonnes du site Xalima.sn, Seybani Sougou, un ressortissant sénégalais basé en France, compare cette juridiction aux conseils constitutionnels des pays comme le Mali, la Côte-d’Ivoire, le Bénin et le Gabon. Selon lui, «Le dénominateur commun entre les 4 pays précités réside dans la démarche de transparence initiée par les juridictions constitutionnelles», dit-il. 

Malheureusement au Sénégal, considéré jadis comme une référence en Afrique, le Conseil constitutionnel a choisi une tout autre voie: l’opacité comme mode de fonctionnement. Ce qui frappe d’emblée le visiteur du site du Conseil constitutionnel, c’est l’extraordinaire volonté de dissimulation. Tous les avis et décisions du Conseil constitutionnel, à l’exception des résultats des élections législatives déjà connus de tous, portent la mention «Protégé – Cet article est protégé par un mot de passe», a-t-il dénoncé.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 12/05/2018 à 16h14, mis à jour le 12/05/2018 à 16h35