Face à la radicalisation des enseignants grévistes qui refusaient de se plier aux réquisitions du gouvernement et de transmettre les notes du premier semestre, l’Etat avait, lui aussi, opté pour une solution radicale, menaçant de «radiation irrévocable» 5.000 enseignants de la Fonction publique. Ceci, après avoir procédé à des ponctions de salaires contre les enseignants.Radiation ! Ce mot qui est d’ailleurs très commenté par la presse sénégalaise depuis que le gouvernement l’a annoncé, rappelle de douloureux souvenirs aux Sénégalais. En effet, en 1987, 1.465 policiers avaient été radiés de la Fonction publique. Une mesure «injuste» (une loi votée en février 2009 a réhabilité les policiers radiés qui étaient encore en vie) qui avaient brisé des destins et fait voler en éclat des familles entières.Djibo Kâ, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement en 1987, a reconnu, dans la presse, ce matin, «qu’à chaque fois qu’on sanctionne, on a échoué». «Il faut dialoguer, négocier, sans jamais se fatiguer. La radiation est une décision grave à ne pas prendre à la légère», conseille-t-il.Il a fallu, donc, l’intervention des deux puissantes confréries religieuses du pays pour dissuader le gouvernement d’appliquer cette terrible menace contre les enseignants. Durant tout le week-end, le porte-parole du khalife général des tidjanes, Serigne Abdoul Aziz Sy «Al Amine» et le khalife général des mourides, Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké (par l’entremise de son porte-parole, Serigne Bass Abdou Khadre), ont ainsi manœuvré pour désamorcer la crise.Les guides religieux ont fini par convaincre les enseignants (qui avaient déjà fait un pas, la semaine dernière, en renonçant au boycott des épreuves anticipées de philosophie) de suspendre leur mot d’ordre de grève et de remettre les notes aux élèves. En contrepartie, le gouvernement a renoncé à appliquer la radiation.Mais cette accalmie n’est que provisoire. En effet, la crise scolaire est loin de connaître une solution définitive. Les principales revendications des enseignants (régularisation de beaucoup d’entre eux et paiement d’arriérés) restent en suspens, malgré l’affectation de nouvelles ressources budgétaires au secteur éducatif annoncée par le gouvernement.L’un des principaux syndicats d’enseignants, le Grand cadre A, fixe au gouvernement un ultimatum d’une semaine pour faire évoluer les choses. Faute de quoi, la suspension du mot d’ordre de grève, qui a été décidée suite à la médiation de Touba et Tivaouane, sera levée. Autrement dit, la grève va reprendre.«On attend qu’ils (les chefs religieux) contactent les autorités pour voir. L’essentiel, pour nous, c’est la satisfaction de nos revendications portant sur le respect des accords. Si les autorités nous donnent des réponses satisfaisantes, nous pouvons aller dans le sens de l’apaisement, mais, si d’aventure, ce n’est pas le cas, au-delà d’une semaine, on sera obligé de reprendre la lutte», explique Mamadou Lamine Dianté, le coordonnateur du Grand cadre A, dans les colonnes du journal «Le Quotidien» de ce mardi.Pour éviter d’arriver à cette éventualité et une nouvelle escalade qui compromettrait probablement l’année scolaire et briserait (en cas de radiation) des milliers de familles, les chefs religieux ont promis de poursuivre leur médiation.
Le 14/06/2016 à 11h31