Sénégal: Saint-Louis, histoire d'un drame écologique

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Le 08/07/2016 à 12h44, mis à jour le 05/04/2017 à 22h25

Lundi 4 juillet dernier, des maisons ont été emportées par les eaux à Saint-Louis. Cette catastrophe est la conséquence d'une décision hâtive, prise en une seule nuit, il y a 13 ans. Pour lutter contre les inondations, une brèche de 4 m au départ mesure plus de 5 km de large, actuellement.

Un véritable drame écologique se joue dans la capitale du Nord du Sénégal. Cinq maisons ont été emportées par la marée. Ces ménages qui ont tout perdu, dorment désormais à la belle étoile, d'après le portail lesoleil.sn du quotidien Le Soleil.Pour comprendre ce qui s'est passé, il faut revenir à l'ouverture d'une brèche au sud de Saint-Louis pour lutter contre les inondations.D'abord les faits. Saint-Louis, la capitale de la région du fleuve est connue pour ses inondations récurrentes au mois d'octobre. Jamais une solution durable n'a été adoptée. Cette situation prive des centaines de familles de leurs habitations. Elle met également sous pression le gouvernement qui est accusé de n'adopter que des solutions de fortune.Une nuit et un survol d'hélicoptère pour déciderEn 2003, sous le régime d'Abdoulaye Wade, au pouvoir depuis trois ans seulement, le gouvernement aura la lumineuse idée d'ouvrir un petit canal de délestage. Ce dernier, creusé sur la Langue de Barbarie, ne mesure que 4 mètres de large avec une profondeur de 1,5 mètre. La décision a été prise à la hâte. "En effet, c'est dans la nuit du 3 au 4 octobre que la brèche est ouverte", explique un responsable de la protection civile qui était là quand tout commençait.Le gouvernement sénégalais de l'époque ne s'était appuyé sur aucune étude sérieuse. Il n'a fallu qu'un bref survol des lieux par hélicoptère pour prendre la décision. Les autorités ont paniqué à la simple vue de la montée des eaux qui avaient atteint 1,95 m, contre une côte d'alerte de 1,75 m.L'irréparable dès le lendemainEt d'ajouter, "avant l'aube tout le monde savait déjà que l'irréparable s'était produit". La brèche s'était élargie de manière inconsidérée. Quand le 6 octobre, c'est-à-dire deux jours plus tard, "on procède aux premières évaluations, le canal est passé de 4 à 200 m, pour atteindre 329 m, trois semaines plus tard".Les conséquences immédiates prédisaient déjà d'une grande catastrophe écologique. Certes Saint-Louis fut débarrassé de ses eaux et les inondations ont été définitivement oubliées. Mais, l'érosion aux environs du canal laissait présager ce qui est en train de se passer actuellement. De plus, on a assisté "dès les premières houles, à l'influence des eaux salées sur les nappes phréatiques dans la zone de Gandiol, situé au sud de Saint-Louis". Treize ans plus tard, les maisons tombent sous l'influence des hautes marées.Pas de responsablesPour le moment aucun responsable n'est désigné, et il ne risque pas d'y avoir. Le Maire de la ville en la personne de Mansour Faye, beau-frère de l'actuel président de la république a simplement annoncé la construction d'une digue. Cela devrait coûter 4 milliards de francs Cfa pour ériger 4 kilomètres de brise-lames. Cette solution permettra-t-elle à la ville, actuellement en tête d'estuaire, de se tirer d'affaire? Que changera-t-elle au régime hydrologique? Au moment où la chasse aux responsables de mauvaise gestion ou d'enrichissement illicite est lancée, la justice pourrait peut-être s'intéresser à ce cas emblématique de décision hasardeuse. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 08/07/2016 à 12h44, mis à jour le 05/04/2017 à 22h25