A Dakar, un bus «ça n’est jamais plein»

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Le 17/08/2016 à 12h35, mis à jour le 17/08/2016 à 13h15

Nous profitons de la grève des transporteurs, aujourd’hui et demain, pour vous décrire le calvaire des usagers des transports publics à Dakar. Bienvenue à bord d’un bus où «ça n’est jamais plein».

Ce mardi 16 août, après les fortes pluies de la journée, il y a des bouchons partout à Dakar. A Castors, quartier tampon entre le centre-ville, les nouveaux quartiers huppés de l’ouest et la grande banlieue, plusieurs dizaines de passagers attendent désespérément à l’arrêt du bus: des femmes, des personnes âgées, des jeunes et moins jeunes. Les véhicules de transport en commun refusent du monde.

A chaque fois, la foule accourt d'abord, est déçue ensuite, de ne pouvoir trouver une place. Il n’y a pas le moindre espace où glisser une jambe. Même pas sur le marchepied. Les "apprentis" (jeunes accompagnant le chauffeur pour l'aider à remplir son véhicule, ndlr) de cars-rapides, ces véhicules atypiques qui font entièrement partie du décor de la capitale sénégalaise, se montrent particulièrement insolents. «Fessna», (c’est plein, ndlr), lancent-ils d’un air moqueur aux pauvres clients, avant de frapper furieusement la carcasse : «vance»

Pourtant, en d’autres circonstances, ces "apprentis", souvent de jeunes adolescents, sont capables de faire la cour aux clients. Il est fréquent, quand il y a moins de passagers, de les voir balloter une vieille femme : «Monte ici». «Non, c’est moi qui l’ai approché le premier». Point besoin de tout cela aujourd'hui. Ils affichent plein depuis les HLM, leur point de départ.

«Révolution» pour le meilleur et pour le pire.

Même chose pour les cars «Ndiaga Ndiaye». Ces mini-fourgonnettes de type Mercedes, introduits au Sénégal par le célèbre transporteur du même nom. Destinés pour le transport de marchandises, ils sont, après avoir subi un profond remodelage, utilisés comme moyen de transport de… personnes. Jusqu’à une période récente, ils constituaient, avec les cars-rapides, l’unique moyen de transport en commun à Dakar. il y a bien longtemps que la première compagnie de transport urbain moderne, la Société de transport du Cap-vert (Sotrac) est partie en faillite. 

Au début des années 2000, l’arrivée des bus «Dakar Dem Dikk» (DDD), la société nationale de transport public née des cendres de la défunte Sotrac, a commencé à changer la donne.

Mais c’est surtout l’arrivée des minibus de la marque indienne Tata qui a changé le quotidien des nombreux Dakarois. Une unité de montage a été installé, dans la foulée au Sénégal. 

Ce mardi soir, à l’arrêt Castors, alors qu’un «Tata» sur la ligne 49 était déjà rempli comme un œuf, des clients, las d’attendre, ont profité de la descente d’un passager pour submerger littéralement le minibus. Un gaillard rude, mouillé par la pluie, est le dernier à monter. Il pose juste la pointe de ses pieds sur le marchepied et s’agrippe sur la porte, l’empêchant ainsi de se fermer.

A l’intérieur, les passagers se sont entassés comme des sardines. Avec la chaleur ça sue à grosses gouttes. Le chauffeur avance. L'agent de police, censé faire respcter le code de la rode, ne dit rien. Rien d’anormal ! «Un bus ça n’est jamais plein», lance un vieux sur un ton sarcastique. Il n’a pas totalement tort. Du moins, à Dakar.

Pourtant, au lendemain du naufrage du bateau «Le Joola», en septembre 2002, où près de 2.000 personnes ont péri – ce qui reste, à ce jour, la plus grande catastrophe maritime de l’histoire, pire que le Titanic – due à une surcharge, entre autres, il y avait eu une légère prise de conscience. Les surcharges étaient interdites dans les transports en commun. Mais cela n’a duré qu’un laps de temps.

Quand la mixité éveille les sens

On peut souvent être témoin de scènes assez cocasses causées par la promiscuité qui règne dans ce type de transport. Il n'est pas rare qu'une femme reproche des attouchements à un homme. 

Cependant, malgré ces «désagréments», beaucoup de Dakarois se félicitent de l’arrivée des minibus «Tata» et autres «King Long», une marque chinoise. «Moi, je pense qu’il y a un grand changement avec l’arrivée des minibus. Au moins maintenant il y a une offre quoiqu’insuffisante, explique Samba Sarr, un enseignant qui quitte chaque matin la banlieue pour aller enseigner aux HLM. Avant, c’était un vrai calvaire. Tu pouvais passer une heure à l’arrêt à attendre un hyothétique moyen de transport».

Les cars-rapides et «Ndiaga Ndiaye» font de la résistance

Comme Samba, beaucoup d’usagers ont délaissé les cars-rapides et «Ndiaga Ndiaye» au profit des bus DDD et «Tata». «Au moins, les minibus ne trainent pas. A l’arrêt, ils s’arrêtent juste pour faire descendre des clients et en prendre d’autres, alors que les cars peuvent rester 15 à 20 mn à l’arrêt. Ils ne partent jamais avant d’avoir fait le plein», expliquent la plupart des usagers.

«Le pire, c’est le fractionnement du trajet que pratiquent les cars», dénonce Samba Sarr. En effet, pour maximiser leur profit, quand il y a beaucoup de clients comme hier, les apprentis –qui sont les véritables maîtres à bord des cars, les chauffeurs ne faisant qu’obéir à leurs ordres– fractionnent le trajet en deux ou trois parties. Par exemple, entre Pikine et Fann, ils disent aux clients, dont ils savent pertinemment qu’ils rentrent à Pikine : «Je m’arrête à Castors, c'est-à-dire à mi chemin». Une fois à Castors, ils font descendre tout le monde, avant de crier «Pikine, Pikine». Les clients, n’ayant pas le choix, remontent et paient ainsi doublement.

Toutefois, si ce genre de pratiques a rebuté bon nombre de clients, certains, qui ne peuvent pas rester debout pendant longtemps ou qui «n’arrivent pas à respirer» dans les bus, restent fidèles, malgré eux, aux cars-rapides et «Ndiaga Ndiaye».

Pour mettre définitivement un terme au calvaire des usagers, Dakar Dem Dikk vient d’acquérir 475 nouveaux bus pour renforcer son parc et la mobilité urbaine à Dakar. C’est tout ce qu’espèrent les Dakarois. En attendant l’arrivée d’un tramway.

Par Ibrahima Diallo (Dakar, correspondance)
Le 17/08/2016 à 12h35, mis à jour le 17/08/2016 à 13h15