D’après Wikipédia, le «café Touba» est une boisson composée de café aromatisé au poivre de Guinée ou piment noir –«jar» en wolof–, une épice tirée du fruit séché du Xylopia aethiopica, un arbre des pays du golfe de Guinée. Au Sénégal, le «Café Touba» a pendant longtemps été identifié à la communauté mouride avant de devenir un bien de grande consommation.
«Téranga» mouride
Assane, photographe de presse et fervent disciple du mouridisme, est très introduit auprès de la confrérie de Touba. D’ailleurs, il vit entre Dakar et la capitale spirituelle de cette confrérie. Il raconte cette anecdote à propos du «Café Touba». «J’ai assisté à la dernière audience que le défunt khalife général des mourides, Serigne Saliou Mbacké, avait accordé à l’académicien et ex-ambassadeur de France au Sénégal, Jean-Christophe Rufin.
Quand on a servi du «Café Touba», comme on le faisait avec tous les hôtes du khalife, Rufin, frappé par la bonne forme du marabout, malgré son âge avancé, a demandé s’il y avait un secret dans le «Café Touba». Le guide religieux se contenta de répondre au diplomate qu’il s’agissait simplement d’une «Téranga mouride» (hospitalité chez les mourides)».
En effet, il est communément admis que c’est à son retour d’exil que Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du mouridisme, avait rapporté du Gabon du café qu’il servait à ses nombreux visiteurs, leur assurant qu’il y avait une bénédiction dans cette substance. C’est ainsi que le café Touba a acquis une valeur sacrée chez les mourides. «Le café était tellement cher et rare à l’époque qu’on n’en trouvait que chez Serigne Touba (Cheikh Ahmadou Bamba) et chez le gouverneur (représentant de l’administration coloniale)», explique Assane.
Ce dernier rapporte aussi que le khalife Serigne Abdoul Ahad Mbacké (1914-1989) servait lui-même le «Café Touba» après chaque prière de 17h à ses disciples et invités. «Il disait que celui qui va au lit après avoir consommé du café n’aura que la paix et la santé pendant toute la nuit».
Substance miracle?
Autant d’anecdotes qui ont fini de forger toute une légende autour du «Café Touba» au point qu’on lui attribue des vertus pour le moins discutables.
D’après F. M. Diouf, un disciple mouride, il y avait un marabout à Touba qui, lorsqu’il donnait à boire du «Café Touba» à ses disciples, ces derniers lui obéissaient comme un chien à son maître. «On dit même qu’un père était venu réclamer son fils au marabout, mais quand celui-ci lui servit de la fameuse substance, le père lui-même ne le quitta plus jamais», raconte Diouf.
Des légendes, invérifiables, attribuent le même pouvoir au guide des «Tchantacounes» (Cheikh Béthio Thioune) pour expliquer le nombre impressionnant de ses jeunes disciples qui lui obéissent souvent plus qu’à leurs parents. Mais pour Assane, ces rumeurs n’ont «aucun fondement».
Ce qui est sûr, c’est que pour les mourides, le «Café Touba» représente plus qu’une simple boisson. C’est l’expression concrète de leur appartenance au mouridisme et un moyen qui les rapproche de la bénédiction de leur «Cheikh» (Ahmadou Bamba Mbacké). Dans les dahiras, on sert toujours du «Café Touba» au moment de psalmodier les khassaïdes (poèmes religieux).
Mais bien qu’étant un élément de l’identité mouride, le «Café Touba» a cessé d’appartenir uniquement à cette confrérie pour rentrer dans les habitudes de consommation de beaucoup de Sénégalais. «J’adore le café Touba parce que je le trouve plus épicé, il a plus de goût que le Nescafé», explique Awa, une jeune fille.
Le mode de préparation a beaucoup évolué au fil du temps. D'abord consommé comme café «saff», aujourd’hui, avec les unités de transformation moderne, le dosage du «jar» est mieux maîtrisé. Ce qui permet d’avoir un goût optimal. Le piment noir, importé de la Côte d'Ivoire ou du Gabon, est moulu et mélangé au café, et la boisson est préparée selon la méthode classique du café filtre.
Un business florissant
Le «Café Touba», c’est aussi un business florissant. Dans toutes les rues de Dakar, il y a un vendeur de «Café Touba ». La tasse «à jeter» –malheureusement les consommateurs prennent à la lettre l’appellation et n’hésitent pas à jeter dans la rue le gobelet vide, portant un sacré coup à l’environnement– ne coûte que 50 FCFA (0,08 euro). Au début, ce sont des étudiants mourides qui vendaient du «Café Touba» pendant les vacances scolaires pour avoir des revenus. Maintenant, des milliers de jeunes chômeurs ont investi ce créneau qui peut rapporter jusqu’à 3.000 FCFA par jour. Certains ont une clientèle très fidèle. Des commerçants spécialisés dans ce négoce font débarquer, chaque jour, des dizaines de conteneurs au marché «Okass» de Touba.