Sénégal: Shell et le scandale du carburant très toxique

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Le 16/09/2016 à 17h16, mis à jour le 16/09/2016 à 17h18

Profitant des failles de la réglementation, Shell aurait vendu, selon l’ONG suisse Public Eye, du carburant très toxique au Sénégal ces dernières années. La teneur en souffre de ces carburants variant entre 1340 et 2940 parties par million (ppm) pour une norme européenne de 10 ppm !

Dans un rapport intitulé «Dirty diesel» rendu public jeudi 15 septembre, l’ONG suisse Public Eye a révélé comment des sociétés suisses ont pu profiter des faibles standards en Afrique pour produire, livrer et vendre des carburants à haute teneur dans certains pays.

Dans ce rapport accablant de 160 pages, le Sénégal est cité parmi les huit pays africains (Angola, Bénin, Congo-Brazzaville, Ghana, Côte d’ivoire, Mali, Sénégal et Zambie) victimes des pratiques de Vitol, Trafigura et Addax & Oryx. Ces sociétés sont accusées de profiter de la faiblesse des normes dans ces pays pour vendre des carburants toxiques, interdits en Europe, et de réaliser des profits au détriment de la santé des populations.

Le procédé consistait pour ces sociétés de mettre une concentration aromatique et poly aromatique élevée pour vendre moins cher un diésel de qualité inférieure. Un «mélange-dumping» malsain et très dommageable pour l’environnement et la santé des populations où ces combustibles sont vendus. En effet, la corrosivité du soufre détruit les technologies de contrôle des émissions (catalyseurs et filtres à particules) ce qui accroit le nombre de particules fines qui s’échappent des moteurs et se logent profondément dans les poumons, provoquant cancers et maladies cardiovasculaires.

Selon le rapport de Public Eye, des échantillons de diesel en provenance du Sénégal montrent des niveaux dangereusement élevés de soufre (entre 1340 et 2940 parties par million (ppm) contre 15 et 10 ppm respectivement pour les Etats-Unis et l’Europe). Vitol et son enseigne Shell pilotée par le consortium Vivo Energy sont clairement visés dans le document.

Au-delà de la quantité très élevée de soufre, d’après le rapport, le carburant commercialisé dans les stations de Shell au Sénégal entre 2013 et 2015 (période couverte par l’étude) contient en moyenne entre 9,9 et 15,1% de HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), des substances dangereuses pour les organismes vivants et cancérigènes, alors que la moyenne mondiale se situe à 3,7%. D’autres substances nocives pour la santé ont aussi été détectées «à des doses inquiétantes» comme le benzène (supérieur à 1%) ou le MMT à base de manganèse, un métal toxique.

Le pire dans cette affaire, comme le note le rapport, c’est que les sociétés incriminées «respectent la réglementation des pays concernés». Autrement dit, Shell et consorts n’ont fait que «profiter» des failles de la faiblesse des normes dans ces pays en matière de protection de l’environnement et de la santé publique.

Par Ibrahima Diallo (Dakar, correspondance)
Le 16/09/2016 à 17h16, mis à jour le 16/09/2016 à 17h18