Carburants toxiques exportés en Afrique: controverse et indignation au Sénégal

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Le 21/09/2016 à 16h06, mis à jour le 21/09/2016 à 16h19

L'affaire des carburants toxiques vendus à l'Afrique, divulguée au grand jour après la publication, récemment, du rapport de l'ONG "Public Eye" sur la qualité des carburants exportés vers le continent, suscite débat et indignation au Sénégal, qui figure parmi les huit pays concernés par l'étude.

L’ONG «Public Eye» accuse des sociétés de négoce suisses d'exporter en Afrique des carburants très toxiques dans un rapport intitulé "Dirty Diesel".

Dans ce rapport de 160 pages, elle dénonce la vente en Afrique de carburant à haute teneur en soufre par ces sociétés suisses. Le document, fruit de trois ans d’enquête, démontre également "comment les négociants suisses en matières premières profitent des faibles standards en Afrique pour produire, livrer et vendre des carburants à haute teneur en soufre, interdits en Europe".

Huit pays africains font partie de la liste rendue publique à cette occasion. Il s'agit, outre le Sénégal, de l'Angola, du Bénin, du Congo, du Ghana, de la Côte d'Ivoire, du Mali et de la Zambie. En effet, les résultats des échantillons prélevés à la pompe par Public Eye dans ces pays montrent que les carburants analysés "présentent jusqu’à 378 fois plus de soufre que la teneur autorisée en Europe".

Ces sociétés préparent, pour le seul marché africain, des mélanges d’essence et de diesel néfastes pour la santé et l’environnement, selon cette étude. La réaction de la société civile sénégalaise n’a pas tardé à faire entendre sa voix. Elle est unanime à condamner ces pratiques, par les différents moyens possibles, afin que la vérité soit avérée dans cette affaire.

Dans des déclarations à la presse, le président de l’Association des consommateurs du Sénégal (Ascosen), Momar Ndao, a invité l’Etat à procéder aux tests nécessaires le plus rapidement possible. "Nous pensons que c’est extrêmement grave si on nous envoie des produits qui ne sont pas du tout conformes aux prescriptions de protection des consommateurs", a-t-il relevé.

Selon lui, ces accusations graves méritent que les autorités se penchent sur la question afin de déterminer si oui ou non les normes fixées par le décret 2014-961 ont été respectées sur l’hydrocarbure importée dans le pays. Et cette étude aura le mérite, a-t-il poursuivi, "de confirmer ou d’infirmer", ces craintes qui submergent les consommateurs Sénégalais. Réagissant à cette polémique, le Comité national des hydrocarbures (CNH) au Sénégal a assuré, dans un communiqué, avoir mis en place un dispositif législatif et règlementaire pour garantir la sécurité de l’approvisionnement en produits pétroliers et le respect des normes de qualité.

Le CNH souligne que le décret 2014-961 du 04 août 2014 fixe les spécifications applicables aux hydrocarbures raffinées au Sénégal et qui s’appuient sur des normes nationales et internationales. La même source rappelle qu’il "est fait obligation à la SAR (Société africaine de raffinage) et à tous les importateurs de procéder au contrôle qualité des produits raffinés sur place ou importés avant leur mise en dépôt". Selon le CNH, "la SAR qui a plus de 60% de part de marché, effectue rigoureusement ces contrôles dans le respect des procédures d’un laboratoire accrédité et qui fait l’objet de tests circulaires avec d’autres laboratoires".

Il note que les autres importateurs "qui sont adossés à de grands groupes internationaux, ont également pris des dispositions visant à renforcer le contrôle-qualité à la demande de leur assurance et du fait de leur statut de sociétés cotées en bourse". Pour le CHN, le rapport de Public Eye "met plutôt en avant le décalage entre les normes occidentales et celles africaines qui sont moins contraignantes".

Il relève le fait que "l’adaptation aux nouvelles normes requiert des investissements très lourds, et qui aboutissent souvent à la fermeture de plusieurs raffineries dans le monde".

Parmi ces raisons, il y a aussi le fait qu’aucune raffinerie de l’Afrique de l’Ouest "ne peut satisfaire pour le moment aux prescriptions européennes", souligne le Comité. "Le débat sur la santé qui découle de la qualité de l’air (NOx, THC, CO, SO2, benzène etc.. qui favorisent l’asthme, les bronchites et le cancer) est plus accentué dans les pays développés à cause du nombre important de véhicules en circulation, du type d’habitat, des autres sources de pollution (usines, centrales électriques, chauffage) et du climat (brouillard, humidité et problème de ventilation)", fait remarquer le CNH.

L’Afrique, rappelle le comité, "contribue pour moins de 0,4% de la pollution mondiale, là où les USA et la Chine avoisinent près de 30% chacun’’. Le CNH, assure, par ailleurs, que le Sénégal est en train de mettre en oeuvre plusieurs solutions pour redresser cette question, citant à titre d’exemple la mise en place d’un laboratoire national en sus de ceux existants pour procéder à la certification de tous les produits, la création d’une autorité de régulation du secteur aval des hydrocarbures et la promotion des énergies renouvelables.

A cela s’ajoutent l’installation de capteurs pour mesurer la qualité de l’air dans les grandes villes, l’utilisation des grandes réserves de gaz naturel, source d’énergie très peu polluante comparé au pétrole et surtout au charbon (faible émission de CO2 et de NOx) dans les transports, la génération de l’électricité, les industries et les ménages.

Par Le360 Afrique (avec MAP)
Le 21/09/2016 à 16h06, mis à jour le 21/09/2016 à 16h19