Sénégal: Sélbé Ndom, la voyante sur-médiatisée commence à voir trouble

"Je vois une effusion de sang en Gambie et la mort certaine de Yahya Jammeh". C'est ce que prévoyait une célèbre voyante invitée régulièrement sur les plateaux de télévision. Elle est là lors des élections, pour les évènements sportifs ou de grands évènements. Elle est une sorte de "Paul le poulpe", le fameux octopode qui avait prédit la victoire de l'Allemagne lors de la coupe du monde, voire une Nostradamus. En tout cas, elle fait de l'audience et c'est tout ce qui intéresse les chaînes de radio ou de télévision.

Ses pronostics sont toujours écoutés et ils sont sûrs de faire la Une des journaux dès le lendemain. Mais depuis quelque temps, ses compagnons les Djins manquent à l’appel. Ses dernières prédictions se sont toutes révélées fausses. Mais, imperturbable, Sélbé croit dur comme fer que ses compagnons lui reviendront avec de nouvelles révélations. Yahya Jammeh est en train de se la couler douce en Guinée équatoriale et la Gambie n'a jamais connu une telle période de paix depuis 22 ans. Mais, pour s'assurerr une porte de sortie, Sélbé prend toujours la peine de dire qu'il faut tel ou tel sacrifice ou don pour que ses prévisions se réalisent. 

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Ce qui était au départ un simple jeu, s'est révélé devenir une véritable profession pour Sélbé Ndom quand les clients ont commencé à affluer chez elle à Yeumbeul, un quartier populaire de la banlieue dakaroise. Un combat de lutte sénégalaise a servi de déclic à son don divin. «Le bon Dieu m’a dotée de pouvoirs de prémonition, il y a des choses que je vois en rêve et d’autres que me révèlent les cauris comme les verdicts des combats et les résultats des élections futures», soutient-elle avec assurance. «En ce moment, j’ai le nom des deux prochains présidents de la République du Sénégal », renchérit-elle. Selon des ouï-dire, lire dans les cauris ne serait pas le seul don de cette quinquagénaire qui en disposerait d’autres.

Dans la croyance populaire africaine, chaque individu a des compagnons surnaturels qui sont déterminants dans ses changements d’humeur, voire dans son apparence physique. Comme tout le monde, Sélbé se définit comme une création divine mais ses détracteurs dont le plus célèbre est Serigne Baye NiassTandian, voient en elle une "envoyée de Satan" souhaitant se substituer au Créateur suprême.

"Ses prédications sont bannies par l’islam du fait qu’elles peuvent entamer la foi des croyants", affirme-Tandian. "Lucifer peut permettre à Sélbé Ndom de faire des prédictions justes sur les combats dans le but de pousser les croyants à avoir recours à ses services. Une manière de fragiliser la religion musulmane», avertit le jeune marabout. Mais son appel à l’endroit des Sénégalais pour qu’ils ne consultent plus la voyante est, semble-t-il, resté lettre morte. En effet, la notoriété de la dame ne cesse de prendre de l’ampleur.

Sélbé était prédestinée à la voyance. Elle évoque à ce titre ses parents qui, dit-elle, la sommaient, dès sa tendre enfance, de bien s’occuper des «pangols», lieu consacré aux esprits protecteurs dans l'ethnie Sérère, celle-là même dont fait partie feu Léopold Sédar Senghor. «Ma mère m’incitait à prendre soins des pangols. Parce que, disait-elle, un jour j’en serai la gardienne».

En tout cas, depuis quelque temps, la célèbre voyante se fait de plus en plus rare. Serait-ce parce que ses dernières prédictions sur la lutte et tout récemment sur l’issue de la crise gambienne ne sont pas avérées ? Investie d’un don de voyance ou pas, Sélbé excelle dans la polémique. Ainsi, ses détracteurs ne sont jamais étonnés par ses fausses prédications. «Pour tout travail, il faut un moment de répit. Aussi, face à certaines polémiques, surtout quand on est une femme, il faut prendre du recul. J’ai été l'objet de beaucoup d'attaques et j’ai préféré laisser courir la rumeur, mais je suis toujours la même», se défend-elle.

En faisant de la lutte son domaine de prédilection, Sélbé Ndom savait qu’elle marchait sur des sables mouvants. Ce milieu est très mystique et en se prononçant, avant l’heure, sur la défaite d’un tel ou d’un tel autre lutteur, elle ne cesse de s’attirer les foudres d’autres marabouts. Egale à elle-même, Sélbé n’entend pourtant pas s’arrêter en si bon chemin.

«Je n'arrêterai jamais mes prédictions dans la lutte. Pour les combats de lutte à venir, si jamais on me révèle les vainqueurs, je le dirai», déclare-t-elle sur un ton défi. «Si les Sénégalais me sollicitent, je leur donne même le nom du successeur de Macky Sall», renchérit-elle. Aujourd’hui, la célèbre voyante est à la tête de «Sélbé Voyance», une entreprise qu’elle gère avec l’aide de ses enfants et de quelques jeunes de son quartier. Mais, pour ce qui est de la CAN, aucun plateau de télévision n'a voulu l'inviter. Beaucoup ont désormais peur qu'elle ne porte pas chance aux Lions de la Teranga.