Sénégal: ces fils à papa qui se croient intouchables

Junior Lô, le fils du vice-président de l'Assemblée nationale a osé menacer de mort un commerçant.

Junior Lô, le fils du vice-président de l'Assemblée nationale a osé menacer de mort un commerçant. . DR

Le 05/04/2017 à 08h35, mis à jour le 05/04/2017 à 08h43

Les incidents impliquant des fils de hauts responsables, de membres du gouvernement ou de députés, se multiplient. Menaces de mort sur un commerçant, injures à l'adresse des gendarmes... L'attitude de ces fils à papa révolte les Sénégalais.

En l'espace d'une semaine, la presse a rapporté plusieurs incidents qui commencent à révolter l'opinion publique. Le fils d'un député a proféré des menaces de mort contre un commerçant. La fille d'un ministre s'est montrée grossière avec des gendarmes.

Visiblement, les écarts de conduite des fils et des filles des hauts responsables sénégalais ont tendance à se multiplier. La semaine dernière, le commerçant Mountakha Diop a porté plainte contre Junior Lô, le fils du député Moustapha Cissé Lô, 2e vice-président de l'Assemblée nationale. Son père, qui est également président du Parlement de la CEDEAO est lui-même connu pour dégainer si souvent son arme à feu qu'il est surnommé "El Pistolero". Mountakha Diop a porté plainte pour menaces de mort et abus de confiance. Il raconte son histoire. 

«Je vends des appareils électroniques, des modems de connexion, des câbles et du matériel informatique. Junior Lô m’a connu grâce à mon commerce. Un jour, il m’a proposé de lui installer internet dans les appartements meublés qu’il possède et propose à la location. Je lui ai répondu que je pouvais lui vendre les modems, mais que pour l’abonnement, je devrai m'adresser à mon opérateur téléphonique. Je lui ai donc vendu le modem, puis je me suis rendu chez mon opérateur», a précisé Moustapha Diop dans sa plainte adressée à la brigade de la foire de Dakar. 

Mauvais payeur et violent à la fois

Grande est la surprise de Mountakha Diop à son arrivée chez Orange. L’opérateur lui apprend que Junior Lô signe des contrats d’abonnement internet avec des cartes d’identité différentes. De plus, il serait mauvais payeur. Informé de ces propos, «Junior Lo m’a demandé de lui remettre le modem, m'expliquant de son intention était d’appeler une femme à Touba pour l’abonnement», précise le commerçant.

Au retour d'un de ses voyages, «Junior Lo m’appelle et me fait savoir que sa demande d’abonnement internet n’a pas été approuvée par l’opérateur. Et que par conséquent, je dois passer chez lui pour récupérer le modem». Mountakha Diop lui répond que l’abonnement internet n’est pas de son ressort.

Intraitable, Junior Lo rappelle Mountakha Diop, se rend à son domicile et l’invite à monter dans sa voiture. «Nous sommes allés chez lui. Quand nous sommes arrivés, Junior Lo m’a roué de coups, à la nuque et au ventre. Il a sorti son arme à feu en me signifiant qu’il se sentirait mieux si je mourais».

C'est ce qui a conduit Mountakha Diop est aller porter plainte à la gendarmerie de la foire.

"C'est mon père qui vous paie..."

Autre histoire. La fille de maître Sidiki Kaba, Garde des Sceaux s’en est violemment prise aux gendarmes de la brigade de l’Arsenal de la Marine qui tentaient de la raisonner.

Le 28 mars 2017, à l’embarcadère au port de Dakar en direction de Gorée, la fille du ministre de la Justice avait demandé à un photographe professionnel de prendre d'elle en compagnie de ses amies. Insatisfaite de la qualité des photos, elle avait décidé de ne pas payer le photographe.

Celui-ci fait appel aux gendarmes qui les conduisent tous à la brigade pour tenter de trouver une solution. Interrogée, la fille du garde des Sceaux se comporte de façon hystérique, arrache les photos des mains des gendarmes et les déchire en criant «C’est à cause d’une histoire de photos que vous m’arrêtez avec mes amies, alors que vous êtes payés par mon père».

Les hommes en bleu ont tenté de résoudre le litige à l’amiable. Peine perdue. Mademoiselle Kaba n’a voulu rien entendre. Pire encore, elle a enchaîné grossièretés et menaces à leur endroit.

A défaut d'être devenues banales aux yeux des Sénégalais, ces conduites peu recommandables sont de plus en plus fréquentes. Et ce n’est pas le fils du Président Macky Sall qui va montrer le bon exemple. Dans la semaine du 20 au 27 octobre 2015, Amadou Sall, s’était présenté dans un point de restauration rapide de la chaîne «Brioche dorée et en avait fait expulser tous les clients pour passer sa commande. C’est à croire qu’il y a dans ce pays, des super-citoyens et des citoyens de seconde zone.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 05/04/2017 à 08h35, mis à jour le 05/04/2017 à 08h43