Sénégal: des "grigris" chassent le nouveau DG du port de Dakar de son bureau

Les grigris semblent faire partie du quotidien des Sénégalais.

Les grigris semblent faire partie du quotidien des Sénégalais. . DR

Le 18/10/2017 à 16h09, mis à jour le 19/10/2017 à 08h32

Le nouveau directeur général du Port autonome de Dakar (PAD) aurait peur de s'installer dans le bureau de son prédécesseur. Ses rendez-vous importants ont lieu dans la salle de conférence. De telles histoires sont légion au pays de la Teranga, comme le bureau hanté de Senghor à la mairie de Thiès.

Au Sénégal, le mystique, les marabouts et les grigris font partie du quotidien. Et ces croyances peuvent parfois prendre un tour cocasse. Pour preuve, depuis quelques semaines, une folle rumeur s’est emparée de Dakar: Aboubakar Sédikh Bèye, nouveau directeur du port, serait superstitieux au point de ne plus pouvoir mettre les pieds dans son bureau.

Et pour cause, le port serait "miné", ou en d'autres termes "truffé de grigris". Des individus mal intentionnés y auraient jeté le mauvais œil. Autant d'expressions qui traduisent la relation qu'entretiennent encore les Sénégalais avec le surnaturel, voire le mystique.

Ainsi, avant d'emménager dans son nouveau bureau, le nouveau directeur aurait préféré assurer ses arrières. «Comme s’il craignait des "missiles" enfouis quelque part, l’ancien chargé des affaires économiques de l’ambassade du Sénégal aux États-Unis et ancien directeur de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie, évite comme la peste le bureau occupé jusque-là par ses prédécesseurs», écrit Leral.net, citant quelques indiscrétions.

Sa crainte des «missiles mystiques» serait si grande, «qu’il reçoit en audience dans la salle de conférence de la direction», poursuit le même site d'information.

Pour le moment, Aboubakar Sédikh Bèye a ordonné que l’ancien mobilier de bureau soit entièrement renouvelé, jusqu'aux ouvre-plis, cendriers et autres babioles. Il a aussi demandé à ce que le sol soit décapé. On ne sait jamais, quelque talisman pourrait y être enterré. Tout ceci au détriment des nombreux dossiers chauds qui l'attendent, comme la grève des transporteurs de conteneurs qui bloque le port depuis mi-septembre.

"Le bureau de Senghor" à la mairie de Thiès

Ce n'est pas la première fois qu’un responsable refuse d’entrer dans son bureau par superstition.

À Thiès, depuis la disparition de Guirane Ndiaye, premier adjoint du maire de 2000 à 2008, plus personne n’ose emprunter le couloir qui mène à son bureau. Il se trouve que le lieu-dit a une histoire, puisqu'il s'agit du bureau qu'occupait Léopold Sédar Senghor qui fut édile de Thiès. Depuis, on raconte beaucoup de choses à son propos.

Tous les maires qui se sont succédé à la tête de cette ville en ont eu une peur bleue. Pape Diop, Mamadou Bathily, Mantoulaye Guène et Pape Alioune Ndao sont tous décédés en fonction ou ont fini cloués sur un lit d’hôpital.

Ainsi, Yankhoba Diatara, prédécesseur de l’actuel maire, tout comme son successeur Talla Sylla, avaient déserté le «Bureau de Senghor». Il a fallu l’intervention et des prières nourries du guide religieux, Serigne Khadim Lô Gaydel, un érudit de l’islam et du mouridisme, pour que Talla Sylla, actuel maire de Thiès, accepte d'y mettre pied.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 18/10/2017 à 16h09, mis à jour le 19/10/2017 à 08h32