Sénégal: Psychose après des enlèvements et meurtres en série d'enfants

Enfants de la rue

Enfants de la rue. Enfants de la rue

Le 22/03/2018 à 15h34, mis à jour le 22/03/2018 à 16h05

Mbacké Camara, un mal-entendant, a été lynché à Touba. Son seul tort était de s’être trouvé à côté des enfants qui jouaient dans la rue. Mamadou Dian Bâ, un père de famille qui se promenait avec son enfant au quartier Ben Tally de Dakar a failli être pris à partie par les populations.

Les enlèvements et meurtres des enfants qui ont eu lieu depuis le début de l’année 2018 ont fini par installer une véritable psychose dans toutes les localités sénégalaises. Toujours sur la défensive, les pères et mères de familles sont prêts à sonner l’alerte et à rameuter les voisins dès qu’un inconnu est réperé dans les parages de lieux où se trouve un enfant.

Mbacké Camara, un sourd-muet habitant à la ville sainte de Touba, où les populations ne se sont pas encore remises de la découverte du corps sans vie du jeune Fallou Bâ, en a fait la mauvaise expérience.

Le pauvre handicapé, qui a eu la malchance de se trouver à côté d’une petite fille, a été lynché à tort par les populations qui le suspectaient de vouloir l’enlever. Les faits se sont déroulés le 1er mars dernier. N’eut été l’intervention de la gendarmerie de la ville, un autre drame se serait produit.

Un fait presque similaire a eu lieu la semaine dernière, à Ben Tally, un quartier de Dakar. Mamadou Dian Bâ, qui se promenait tranquillement avec son enfant, a été arrêté par des jeunes dudit quartier. Après lui avoir posé quelques questions, ils ont décidé de le livrer à la police. Mais avant même d’arriver au commissariat, plusieurs individus l’ont roué de coups. Il n’a dû son salut qu’à certains de ses voisins qui l’ont identifié et innocenté.

A Kolda, une ville qui se trouve au sud du Sénégal, tout est parti d’une rumeur folle selon laquelle quelques individus roderaient autour d’une école en vue de kidnapper des enfants. Alertés par ce bruit, les parents d’élèves se sont rués à l’école qui se trouve au quartier Bouna pour récupérer leurs enfants.

Plus récemment, les populations de Rufisque, dans la région de Dakar, sont sorties spontanément pour manifester leur colère après la découverte de la dépouille du bébé Fallou. Ce petit enfant, âgé de seulement 2 ans, avait été enlevé 6 jours plus tôt.

C’est ce lundi 19 mars que des voisins de la famille ont finalement fait la découverte macabre. Le bébé Falou avait été tué après on enlèvement. Et son corps jeté dans un champ.

Devant l’ampleur du drame, les populations sénégalaises étaient inquiètes du silence des autorités policières et judiciaires. Ce n’est que ce 20 mars que ces dernières ont finalement réagi. En conférence de presse, le directeur de la sécurité publique dira que «les délinquants seront traqués, arrêtés et mis à la disposition de la justice». D’ailleurs, face à ce phénomène qui ne saurait prospérer dans une société comme la nôtre, il a été institué des mesures fortes pour mettre fin à ce phénomène qui hante le sommeil de certains Sénégalais», a-t-il ajouté.

Quant au ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, il avait précédemment promis «l’enfer» aux kidnappeurs. Selon lui, «le principe est clair, les textes sont là, très répressifs, face à ce phénomène. Et la justice est également très ferme sur ces questions. A chaque fois qu’on a été confronté à des rapts d’enfants, à des cas de maltraitance d’enfants, la justice a été sévère et ferme. Donc sur cette question, il n’y a pas d’ambiguïté. L’option de l’Etat du Sénégal est de protéger ses enfants».

Mais ces propos des autorités sénégalaises, n’enlèvent en rien l’inquiétude des pères et mères de familles qui craignent tous les jours de ne pas voir leur enfant rentrer de l’école après les cours.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 22/03/2018 à 15h34, mis à jour le 22/03/2018 à 16h05