Sénégal: un expert prône un changement de paradigme dans la lutte contre l’extrémisme

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Le 12/04/2018 à 14h03, mis à jour le 12/04/2018 à 14h06

L'extrémisme est désormais un ennemi incrusté dans la société sénégalaise, comme l'atteste le procès de l'imam NDao et compagnons. Selon Bakary Sambé, fondateur de Tumbuctu Institute, observatoire spécialisé en études sur le radicalisme, un changement d'approche et de paradigme sécuritaire s'impose.

Sans s’écarter du respect du principe de la présomption d’innocence, du caractère purement individuel de la responsabilité pénale, ni anticiper sur la sentence à venir des magistrats de la cour criminelle qui siège à Dakar pour le procès de l'imam Aliou Badara NDao et ses compagnons, il apparait clairement à la lumière des débats et des interrogatoires des individus appelés à la barre, que l’extrémisme est désormais un ennemi incrusté dans la société sénégalaise.

Il est reproché à cette personnalité et coaccusés, un chapelet de graves infractions parmi lesquelles notamment «l’association de malfaiteurs à objet terroriste».

Au Sénégal, les confréries d’inspiration soufie ont historiquement joué un rôle important dans la conception d’une pratique ouverte et tolérante d’un Islam préservant le fond originel d’une société qui garde sa spécificité tirée de la tradition des ancêtres.

Pour Bakary Sambe, fondateur de Tumbuctu Institute, un observatoire spécialisé sur la montée du radicalisme, cité par le site d’informations en ligne «Dakaractu», les révélations «de ce procès imposent au Sénégal un changement d’approche et de paradigme sécuritaire».

Il note que pendant des années, le pays «a eu la chance d’appartenir à la catégorie des Etats qui offraient encore la possibilité d’une approche prospective, mais il devait la saisir pour développer une vraie stratégie nationale de prévention en plus de la prise charge sécuritaire du phénomène.

Garder les frontières et équiper les forces de sécurité peut être une bonne démarche tant que le danger n’est pas susceptible de venir d’un ennemi diffus, insaisissable et peut être déjà a l’intérieur, le déni politique et social de cette réalité nous a menés à la situation présente et nous devons sortir de l’approche réactive».

Le Dr Sambe ajoute qu’avec le procès en cours, «le mythe du Sénégalais naturellement non violent, qui a nourri notre déni national, s’est complètement effondré. Le terrorisme d’origine nationale dit «homegrown terrorism» exige des changements substantiels pour tous nos Etats, appelés à conforter la recherche intensifiée du renseignement tout en se souciant des droits humains».

Ainsi, les services de renseignement doivent opérer une véritable synthèse, un nouveau dosage entre les préoccupations liées à la sécurité intérieure et les nécessités de sécurité extérieure.

Coordinateur de l’observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique, Sambe est un précurseur dans le domaine des alertes sur le phénomène, avec la publication en 2013, du premier rapport du genre: «Paix et sécurité dans l’espace CEDEAO». Il a produit des travaux sous le titre: «Grand angle sur le radicalisme religieux et la menace terroriste au Sénégal», réalisé en collaboration avec l’Institut d’études et de sécurité (ISS), basé à Addis-Abeba, Nairobi, Pretoria et Dakar.

En 2015, Bakary Sambe a publié un ouvrage sous le titre «Boko Haram, du problème nigérian à la menace sous régionale».

Qualifiées d’alarmistes dans un passé récent, les alertes de ce spécialiste s'imposent désormais de par leur dramatique pertinence.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 12/04/2018 à 14h03, mis à jour le 12/04/2018 à 14h06