C'est sans doute le verdict qui fait baisser la tension entre les différents protagonistes. Hier, mercredi 4 décembre, le tribunal de Louga (220 km au nord de Dakar) a rendu son verdict, jugé clément pas certains tout en servant d'avertissement en cas de récidive. Les prévenus, le maître coranique, les parents de l'enfant et de ferronier, écopent de deux ans de prison avec sursis
Pour les militants des droits de l'homme, il s'agit d'une sérieuse mise en garde, alors que pour les partisans de l'éducation à la dure, qui voulaient voir le maître coranique libéré, tout est bien qui finit bien.
Les faits ont déchaîné les passions dans un Sénégal à 95% de musulmans qui compte des milliers d‘écoles coraniques, ou daaras, mais qui n'échappe pas à l‘évolution des mœurs.
Anticipant un possible accès de violence de la part des partisans du maître, des policiers au béret rouge avaient bloqué tous les accès au tribunal de Louga (nord-ouest).
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Les dizaines de fidèles massés derrière des barrières ont paru accueillir avec satisfaction l’absence de prison ferme, contrairement aux réquisitions du procureur, qui avait réclamé deux ans d’emprisonnement, dont deux mois ferme. “La paix va revenir maintenant”, a lancé l’un d’eux.
Il y a quelques jours, les sympathisants du marabout, Cheikhouna Guèye, avaient saccagé le tribunal quand ce dernier avait refusé de le relâcher avec ses cinq co-prévenus : quatre pères et mères et le forgeron qui a fabriqué les chaînes.
Me Famara Mane, un avocat des prévenus, a salué auprès de l’AFP un jugement “d’apaisement et de sagesse”, et indiqué que ses clients sortiraient de prison le jour même.
Dans un tribunal récent vidé de tout public en dehors de journalistes, le président Madické Diop a déclaré tous les prévenus coupables et prononcé la même peine pour tout le monde : deux ans avec sursis.
Tous avaient été arrêtés fin novembre après la découverte fortuite que plusieurs enfants de l‘école coranique de Ndiagne (nord-ouest) avaient les pieds entravés.
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Les uns comme les autres ont déclaré lors de leur procès que les enfants étaient enchaînés à la demande des parents parce qu’ils fuguaient. Faisant acte de contrition, ils ont aussi assuré qu’ils ignoraient que la pratique était interdite par la loi.
Dans un pays en développement, mais où la pauvreté affecte environ 40% de la population, la condition misérable de nombreux enfants, y compris les élèves d‘écoles coraniques, ou talibés, n’est pas un secret. Human Rights Watch avait dénoncé en juin le fait que de nombreux talibés étaient forcés à mendier par leur maître, et soumis à des abus sévères et des négligences qui ont entraîné la mort d’une quinzaine d’entre eux ces deux dernières années.
Effet des réseaux sociaux
Dans d’autres pays d’Afrique comme le Nigeria, le sort des talibés est aussi une préoccupation.
L’affaire de l‘école de Ndiagne n’aurait pas pris une telle ampleur si les témoins qui avaient repéré un enfant errant chaînes aux pieds n’avaient largement diffusé les photos sur les réseaux sociaux, disent beaucoup.
De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer des agissements attentatoires aux droits de l’enfant, convoquant même le souvenir de la traite négrière.
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Les nombreux avocats du marabout ont invoqué la coutume. Ils ont contesté que les enfants aient été maltraités. Ils ont crié à la campagne ourdie par des organisations étrangères contre les maîtres coraniques et même l’islam.
Les informations publiées par la presse sur l‘école la décrivent comme bien tenue.
Le sujet est remonté au plus haut des autorités étatiques et spirituelles. Une délégation de maîtres coraniques outrés est allée chercher les instructions du calife général des mourides, l’une de ces confréries qui jouent un rôle prépondérant dans la vie quotidienne des Sénégalais et dont les chefs respectés ont l’oreille des politiques.
“Bon musulman”
En apprenant la décision du juge, les partisans du marabout qui avaient tué l’attente en lisant le Coran et des “khassidas” (poèmes) du fondateur de leur confrérie ont estimé leurs prières exaucées. “Serigne Bamba dieuredieuf“ou “Merci Cheikh Ahmadou Bamba”, le nom du fondateur de la confrérie, ont-ils déclamé.
Mor Guèye, le frère du marabout, s’est dit “très content”. “Cheikhouna est un bon musulman. Il ne travaille que pour le Coran”, a-t-il assuré.
Mansour Sur, son neveu, était “satisfait” lui aussi. Mais, ajoutait-il, “il est temps que les maîtres coraniques revoient leurs pratiques”. Enchaîner les talibés, pratique ancienne tenant de la punition, mais pas de la maltraitance, “n’est plus acceptable aujourd’hui” selon lui.