Sénégal: une "femme de Daech" jugée pour terrorisme

La carte de la Libye

La carte de la Libye. DR

Le 27/12/2019 à 07h47, mis à jour le 27/12/2019 à 08h04

Est-elle victime de son mari, comme le dit sa sœur, ou est-elle réellement au cœur d’un dispositif de recrutement de jeunes sénégalais pour les envoyer combattre en Libye? C’est à ces questions que devra répondre la chambre criminelle spéciale de Dakar où se tient le procès d'Aïda Sagna. 

Selon le procureur, cette "femme de Daech", surnom donné aux épouses des combattants de l'Etat islamique, née en 1971, était membre à part entière de la filière djihadiste communément appelée celle du Lac Rose, du nom d'un lieu touristique dans la périphérie de Dakar.

C’est l’épouse de M. Mbaye, présenté comme un djihadiste sénégalais notoire en Libye. Ce dernier, qui habitait Keur Massar, était membre influent du mouvement des "Ibadou Rahmane", mouvement proche des salafistes, de cette commune populeuse de la banlieue de la capitale sénégalaise. Mbaye avait déjà deux épouses, quand il décide de contracter un troisième mariage avec Aïda Sagna.

C’est lui qui a convaincu sa troisième femme de se rendre en Libye. Quand l’Etat du Sénégal décide de rapatrier ses ressortissants, Aïda Sagna fait partie de ceux qui vont revenir de la Libye.

Mais à son arrivée à Dakar, elle est immédiatement arrêtée par la Division des investigations criminelles (DIC). Selon certaines sources, elle a déjà purgé deux ans de prison en Libye pour sa participation à un attentat terroriste à Sabrata. Les enquêteurs détiennent un enregistrement dans lequel un djihadiste sénégalais de renom en Libye, Moustapha Diop en l’occurrence, dit Abu Hatem, annonce la mort de la "martyre" Aïda Sagna.

Abu Hatem a été identifié par les enquêteurs comme étant le principal financier des actes terroristes. Makhtar Diokhané, l’un de ses complices, actuellement en prison, a affirmé avoir reçu de lui la somme de 62.000 euros, après l’un de ses voyages en Arabie Saoudite. Or, Aïda Sagna a effectué son voyage vers la Libye en compagnie de la femme d’Abu Hatem. Ce qui ne contribue pas à blanchir la femme de 49 ans.

Evidemment, pour sa défense, elle et ses proches balaient d’un revers de la main ces éléments de preuves. Selon Ciré Sagna, sa sœur, Aïda est simplement victime de sa naïveté. C’est son mari qui l’a convaincue de se rende en Libye afin de mieux apprendre sa religion. Mais ce dernier était en réalité un recruteur de femmes pour le compte des soldats de Daech.

"Aïda, c'est une victime de M. Mbaye qui est vendeur de femmes pour les djihadistes, et il est vivant. Il profite de l’argent de la vente d’Aïda, il est bien vivant. Vous les médias sénégalais, vous savez très bien qu’il n'est pas mort, il se cache", écrit-elle dans un courrier envoyé à la presse sénégalaise.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 27/12/2019 à 07h47, mis à jour le 27/12/2019 à 08h04