Mondial 2018: pourquoi il faut se débarrasser du «Sorcier blanc»

Aliou Cissé, entraineur du Sénégal.

Aliou Cissé, entraineur du Sénégal. . DR

Le 29/06/2018 à 14h39

Doctorant en sciences sociales à l'université Paris-Descartes, Seghir Lazri livre, dans un article paru dans le quotidien français «Libération», son analyse de la formule «Sorcier blanc» si répandue dans le football africain.

Le cliché du “Sorcier blanc” qui est apparu avec la réussite en terres africaines de quelques entraîneurs européens tels que Claude Leroy, Henri Michel, Hervé Renard ou encore Alain Giresse, est rejeté par la thèse de l'universitaire Seghir Lazri qui voit en cette formule une consolidation de certaines représentations sociales issues d'un autre temps.

Pour lui, il s’agit d’un héritage de l'époque coloniale. Une dimension consensuelle et collectivement partagée. Une sorte de déterminisme mettant en valeur l’homme blanc qui apparaît comme synonyme de réussite.

En football cette réalité sociologique s’est traduite par cette formule consacrée de “Sorcier Blanc”. Mais également par une vulgarisation du modèle de coaching occidental par le biais de la délocalisation de centres de formations vers l'Afrique, ou encore par la création d’écoles privée spécialisées dans la production de jeunes joueurs qui seront “exportés” vers les clubs européens.

On est donc, selon Seghir Lazri, devant une société footballistique africaine “dominée par les injonctions du foot européen”. Une lecture sémantique des deux termes de la formule à bannir incite le jeune doctorant (26 ans) à conclure qu’il faut en finir avec ce cliché.

Pour Seghir Lazri, le mot Sorcier renvoie d’abord vers un monde fait de magie et d’imagination. Un monde habité par une élite sacrée qui vient transmettre un savoir occidental incompris “des profanes”. De plus, la notion de “Sorcier” véhicule des représentations colonialistes dévalorisantes pour les populations africaines.

Quant à la connotation “Blanche” du cliché, elle est plutôtraciale que sociale explique Seghir Lazri. L’exemple frappant reste celui du technicien sénégalais Aliou Cissé seul entraîneur noir du Mondial: “Aliou Cissé, arrivé en France à 16 ans et ayant fait toute sa carrière en Europe, ne se voit pas assigner ce titre. Au contraire, il apparaît comme un entraîneur local, bien qu’il ait sans doute développé ses compétences en Europe”, écrit le Lazrti dans "Libé".

Le cliché du “Sorcier Blanc” enferme les Africains dans ce que le colon missionaire et paternaliste attendait d'eux jadis, qu'ils restent dans une forme de naïveté, déférente si possible comme l'explique la chercheuse claire Cosquer.

Le paradoxe est que cette expression est encore utilisée aujourd'hui par les Africains eux-même, par facilité de langage le plus souvent, par superstition aussi peut être.

Quoiqu'il en soit le Mondial 2018 sonne le glas de ce cliché "old school", Gernot Rohr, Hervé Renard, Aliou Cissé et les autres sélectionneurs du continent ont tous été éliminés dès le premier tour...

Par Kamal Mountassir
Le 29/06/2018 à 14h39