Tunisie: les inquiétants indicateurs d’une économie malade

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Le 18/02/2019 à 12h48, mis à jour le 19/02/2019 à 17h05

L’économie tunisienne va bien mal et tous les indicateurs socio-économiques s'accordent à le montrer. Huit ans après, le pays n’arrive toujours pas à se relever de sa révolution. La situation inquiète au moment où les marges de manœuvre du gouvernement se rétrécissent de plus en plus. Explications.

La situation économique en Tunisie est loin d’être bonne. Le pays traverse une crise économique et financière aigue depuis la révolution du Jasmin, en février 2011 et aujourd'hui tous les indicateurs socio-économiques sont dans le rouge.

La croissance, d'abord, est restée faible au cours de ces dernières années avec une récession en 2011 (-1,92%) et des croissances négligeables de l’ordre de 1,1% en 2015 et 1% en 2016.

En 2018, la hausse du PIB a été de l’ordre de 2,5%, inférieure à la prévision de croissance de 3,1%. Ce taux de croissance modeste est toutefois drainé par une bonne saison touristique et une bonne tenue du secteur agricole.

En clair, le pays a du mal à renouer avec une croissance forte, du fait que les facteurs à l’origine de la bonne évolution du PIB durant la décennie 2001-2010 sont grippés.

Outre la baisse de la productivité, cette faible croissance s’explique, entre autres, par l’essoufflement des exportations et le bas niveau du taux d’investissement, en recul de 24,6% en 2010 à 18,7% en 2017.

La faiblesse des exportations a aussi contribué à aggraver le déficit commercial, dont le niveau est devenu inquiétant, en atteignant 19,04 milliards de dinars en 2018, affichant une hausse de 132% comparativement au niveau de 2010.

Un déficit qui impacte négativement celui de la balance des opérations courantes, dans un environnement où les investissements étrangers ont beaucoup baissé au cours de ces dernières années, à cause d'une difficile situation politique et sécuritaire, même si celle-ci s’est beaucoup améliorée au cours de ces trois dernières années.

Cette situation pèse toutefois sur les réserves en devises du pays, lesquelles ne cessent de s’étioler.

Parallèlement, la crise que traversent les entreprises tunisiennes, le recul des investissements et la faible croissance économique ne favorisent pas des créations d’emplois.

Durant toute l’année 2018, ce sont uniquement 27.600 emplois qui ont été créés.

En conséquence, le taux de chômage ne cesse de croître et se situe actuellement autour de 15,5% de la population active. De plus, 30% des jeunes se retrouvent aujourd'hui sans emploi.

Pour corser le tout, le niveau d’inflation reste élevé, et ne cesse de croître, érodant davantage encore le pouvoir d’achat des ménages dans un contexte marqué par la hausse des taxes et impôts.

Il est ainsi passé de 4,2% en 2016, à 6,4% en 2017 avant d’atteindre 7,5% en 2018. A cause de la forte augmentation des importations et de la dépréciation du dinar tunisien, l’inflation importée impacte négativement sur le portefeuille des ménages.

Combinés à un taux de chômage de 15%, la situation devient tout simplement explosive, et, de fait, difficile à gérer par un gouvernement qui doit faire à une forte demande sociale.

Les demandes d’augmentation des salaires par les fonctionnaires, légitimes dans un environnement marqué par une perte de leur pouvoir d’achat, risquent d'ailleurs, si elles venaient à êre satisfaites, d’aggraver davantage le déficit budgétaire qui s’élève à 6% du PIB.

Face à cette crise financière aigue, le pays a été placé sous la perfusion des bailleurs de fonds étrangers. Conséquence: le taux d’endettement du pays ne cesse de se creuser, avec une dette publique qui dépasse actuellement 70% du PIB.

Comment redresser la barre dans ces conditions? Il n’y a évidemment pas de solutions miracles. Toutefois, pour pallier certains déséquilibres, des solutions peuvent être apportées.

C’est le cas notamment du déficit commercial record qui continue de s’aggraver et qui est à l’origine de l’épuisement des réserves en devises du pays.

Partant du fait que le déficit commercial est surtout dû à la consommation excessive d'hydrocarbures, une des premières pistes de réflexion pourrait être le développement des énergies renouvelables, notamment le solaire et l’éolien.

En outre, il faudrait aussi doper le secteur des exportations, mais pour cela, il est nécessaire de diversifier les débouchés.

C’est dans ce cadre que s’inscrit l’adhésion de la Tunisie à la COMESA -le marché commun de l’Afrique orientale et australe- et la demande d'un statut d’observateur au niveau de la CEDEAO –Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest.

Pour cela, il devient également urgent d’accroître les capacités de production et d’améliorer la compétitivité des entreprises tunisiennes, afin que celles-ci puissent être à même d'affronter la concurrence. 

Toutefois, au-delà de ces colmatages, la Tunisie a surtout besoin d’un nouveau modèle de développement. Après 8 ans de tâtonnements divers et variés, les dirigeants tunisiens ont du mal à en proposer un pour sortir le pays de la crise.

Et comme l'a noté le FMI, «l’activité est faible, l’emploi est bas, les tensions sociales persistent, la composition des dépenses s’est détériorée, et les déséquilibres extérieurs sont prononcés».

Face à cette situation, l’urgence n’est plus qu’à un arrêt de l’hémorragie. Seulement, sur ce point aussi, les leviers de l’action du gouvernement semblent avoir perdu de leur efficacité, du fait de la situation des finances publiques et de l’effritement de la confiance des agents économiques.

C’est dans ce difficile contexte que les Tunisiens sont appelés à élire, en cette année 2019, un nouveau président qui aura la lourde tâche de sortir le pays de sa crise multidimensionnelle, dans laquelle il se trouve enfoncé. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le nouveau président aura du pain sur la planche...

Par Karim Zeidane
Le 18/02/2019 à 12h48, mis à jour le 19/02/2019 à 17h05