La branche armée du Hamas a affirmé samedi que l'Etat hébreu était responsable du meurtre jeudi à Sfax, dans l'est tunisien de Mohamed Zaouari, 49 ans, décrit comme un dirigeant du mouvement spécialisé dans le développement de drones.
Quoi qu'il en soit, dimanche, le gouvernement tunisien a indiqué que des "éléments étrangers" étaient impliqués dans l'opération et a exprimé son engagement "à protéger tous ses citoyens et à poursuivre les coupables, (...) à l'intérieur et à l'extérieur du pays".
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Au lendemain de cette première réaction officielle, une "réunion sécuritaire" s'est tenue autour du chef du gouvernement Youssef Chahed et des ministres de la Défense et de l'Intérieur. Ce dernier doit tenir une conférence de presse aujourd'hui lundi 19 décembre vers 16H30 GMT, selon son ministère. Parallèlement, des voix ont appelé à la tenue d'une "session plénière urgente" du Parlement pour débattre de l'affaire, qui faisait la Une de la plupart des médias.
Pas encore de réaction officielle d'Israël
Les autorités israéliennes n'ont pas pour l'heure réagi aux accusations du Hamas. Mais l'Etat hébreu a, dans le passé, assassiné plusieurs membres de groupes activistes, notamment en Tunisie, pays qui a abrité le siège de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) de 1982 à 1994. En 1988, le numéro 2 de l'OLP, Abou Jihad -de son vrai nom Khalil al-Wazir- avait ainsi été tué par des commandos israéliens à Tunis.
Confrontée à de multiples défis sécuritaires et sociaux, la Tunisie est démunie face à "des opérations d'espionnage ou de commandos", déplorait dans un éditorial La Presse. "Notre agitation quotidienne, nos luttes internes, nos clivages et nos querelles à n'en plus finir font de notre pays le théâtre d'actions faciles", avançait le journal. Le constat était partagé par Assarih (arabophone), pour qui "les Tunisiens sont très inquiets que leur pays devienne, du fait de l'anarchie, un repaire d'agents étrangers et le théâtre d'opérations" de ce genre.
"La souveraineté nationale est en jeu", renchérissait Assabah. Dans ce contexte, plusieurs appels à manifester ont été lancés par des formations politiques, dont le Front populaire (gauche), pour lundi soir. Dès vendredi, le mouvement islamiste tunisien Ennahdha avait dénoncé un meurtre menaçant la "stabilité" du pays.
Dans un communiqué, le conseil national de l'Ordre des ingénieurs tunisiens a lui appelé à une "journée de colère" jeudi, et au port d'un brassard noir par ses membres. Selon la justice, Mohamed Zaouari a été tué jeudi, en plein jour, d'une vingtaine de balles alors qu'il était au volant de sa voiture, devant son domicile.
Huit personnes ont jusqu'à présent été interpellées, dont une journaliste tunisienne l'ayant récemment interviewé. Quatre véhicules et deux armes munies de silencieux ont été saisis.
Passeport allemand
A l'affaire en elle-même est venue s'ajouter durant le week-end une controverse sur la diffusion par la chaîne israélienne 10, d'un reportage marqué par la présence d'un de ses journalistes à Sfax, sur les lieux du crime. Dans un communiqué, la section communication du syndicat UGTT a dénoncé une "honte et une atteinte au peuple tunisien". Interrogée par l'AFP, une source proche de l'enquête a affirmé que le journaliste israélien était entré dans le pays "à l'aide d'un passeport allemand, en tant qu'écrivain".
Décrit par le Hamas comme une "personnalité importante dans le développement de drones", Mohamed Zaouari n'était pas connu en Tunisie. Marié à une Syrienne, l'homme avait, d'après des médias, quitté le pays en 1991, à une époque où les islamistes étaient la cible du régime de Zine el Abidine Ben Ali.
Il était revenu après la révolution de 2011, selon ces sources. Le Hamas, qui a décrété une journée de deuil à Gaza, a affirmé que Zaouari travaillait depuis 10 ans pour la "résistance" et qu'il avait tenté de s'introduire en Israël en 2014. Interrogée lundi par la radio tunisienne Mosaïque FM, sa veuve a assuré qu'elle ne savait rien de cette appartenance.