Qu'est ce qui a déclenché ces heurts?Il n'y a pas d'évènement précis à l'origine des incidents. Mais les tensions déjà élevées en raison de la profonde crise sociale exacerbée par la pandémie, sont montées d'un cran avec le déploiement de la police pour faire respecter un couvre-feu à 16h de jeudi à dimanche.Le couvre feu, en vigueur à 20h ces derniers mois, a été renforcé ces quatre derniers jours, pour ralentir la propagation du Covid-19."C'est difficile d'enfermer des jeunes dont certains ne rentrent habituellement chez eux que pour dormir, fuyant les tensions ou la promiscuité", souligne le politologue Selim Kharrat.
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Le mois de janvier, qui marque l'anniversaire de plusieurs luttes sociales et démocratiques majeures, est régulièrement le théâtre de mobilisations en Tunisie.Mais tous les rassemblements sont actuellement interdits. Même le 10e anniversaire de la chute du régime policier de Ben Ali, le 14 janvier 2011, a été éclipsé par un bref confinement.
Qui sont les protestataires et que veulent-ils?
A la tombée de la nuit ces derniers jours, des jeunes, parfois mineurs selon le ministère de l'Intérieur et des journalistes de l'AFP sur place, défient la police et lui jettent des pierres ou cocktails Molotov.Il n'y a pas de revendications claires, et les autorités comme certains habitants qualifient ces jeunes de délinquants, d'autant que les protestations ont été émaillées de pillages."Il y a une volonté d'affronter les symboles des autorités -- dans les quartiers marginalisés, c'est essentiellement la Poste et la police", explique M. Kharrat.Ces heurts font suite à une série de manifestations et blocages depuis l'été contre l'abandon des régions marginalisées par l'Etat.
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Des protestataires et riverains fustigent les hommes politiques qui, empêtrés dans leurs luttes de pouvoir, ne réalisent pas la détresse dans laquelle la pandémie a plongé des familles déjà précaires."C'est presque un miracle qu'il n'y ait pas plus de contestation" estime l'historien Pierre Vermeren, soulignant que face au recul historique du PIB (-9%) l'Etat tunisien, lourdement endetté, n'a plus les moyens pour amortir la crise."Le tourisme qui emploie quasiment un quart de la population a presque disparu, sans revenu de compensation comme en France", détaille-t-il. Lors des trois mois de confinement en 2020, l'Etat a versé 140 euros d'aide par famille pauvre.Parmi les jeunes manifestants, certains sont en situation de décrochage scolaire, un fléau qui touche 100.000 jeunes chaque année.Après une fermeture totale des écoles de mars à l'été, les élèves n'ont actuellement cours qu'un jour sur deux, perturbant une scolarité déjà précaire dans les quartiers les plus délaissés.
Quelles issues possibles?
Pour le moment, la seule réponse est sécuritaire, au risque que les tensions s'accentuent. Des appels à manifester en journée mardi se sont multipliés.Le principal syndicat tunisien, l'UGTT, a déploré le "mutisme" des autorités, tout en appelant à cesser les protestations nocturnes.Le président Kais Saied, pourtant très largement élu en 2019 grâce à l'appui d'un électorat jeune et populaire, est resté silencieux.Le président de l'Assemblée, Rached Ghannouchi, chef de file du mouvement islamiste Ennahdha, a réagi sans prendre position: un simple statut Facebook indiquant "que Dieu garde la Tunisie".Le chef de gouvernement Hichem Mechichi est quand à lui pris dans le feu croisé des inimitiés entre Saied et les partis parlementaires: son gouvernement, largement remanié samedi, n'a pas encore obtenu l'approbation d'un Parlement divisé."La classe politique, en plus d'être divisée, est face à une détresse économique jamais vue, et de mesures intenables" exigées pour obtenir des financements, explique M. Vermeren, rappelant que le FMI pousse à réduire les subventions sur les biens de première nécessité.Certains responsables politiques ont accusé sans les nommer des "parties" d'orchestrer ces violences pour déstabiliser le pays."Il y a des soutiens ad-hoc, mais je ne pense pas qu'il y ait une coordination d'ensemble: qui serait capable d'une telle mobilisation?" se demande M. Kharrat. Pour lui, "ces théories du complot sont plus confortables" que de s'attaquer aux problèmes de fond.