Après le Maroc, qui a signé en 2006 un accord d’open sky (ciel ouvert) avec l’Union européenne, la Tunisie, au bout de plus d’une décennie de négociations, s’apprête à faire de même. C’est ce qui ressort d’un entretien accordé par le nouveau patron de la compagnie nationale Tunisair à la radio tunisienne RTCI. Khaled Chelly, nouveau PDG de Tunisair, parle d’une signature imminente, d’ici un mois, ou au plus d’ici trois mois, mais pas plus.
L’accord définitif devait être officialisé en février 2020. Toutefois, outre les hésitations des autorités tunisiennes, la pandémie du Covid-19 et l’annonce de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ont retardé les discussions entre les deux parties.
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Cet accord va mettre fin aux accords bilatéraux entre la Tunisie et l’Union européenne qui limitent l’accès à l’espace aérien tunisien de plusieurs compagnies aériennes étrangères. De même, il prévoit l'élimination des limitations des capacités et des nombres de vols, une déréglementation tarifaire et la mise en place d’un contexte compétitif selon les règles de la concurrence.
La partie tunisienne est désormais prête et décidée, pour ne pas dire obligée, à signer l’accord d’open sky."La Tunisie a pratiquement terminé tout le processus. Ça a été retardé à cause de la partie européenne, parce qu’il y avait la question du Brexit. On attend de la partie européenne de finaliser le projet chez elle, parce qu’il y a pratiquement 28 pays qui doivent ratifier l’accord, et juste après revenir pour la signature", ajoutant que le ministre tunisien du Transport a annoncé "que cela peut être fait le mois prochain. Mais cela ne durera pas plus de trois mois".
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Il faut dire que les négociations entre les deux parties ont trainé plus de dix ans. Enclenchées en 2010, elles ont été freinées par le Printemps arabe de 2011 et par la suite les autorités ont essayé de retarder cet accord à cause de la crise aiguë que traverse la compagnie Tunisair depuis une décennie. "Pour être honnête, on a essayé de retarder l’open sky depuis 2014. Après la révolution, le pavillon tunisien a vécu des moments difficiles, des situations financières catastrophiques (…) On n’était pas prêt pour l’open sky, a souligné Chelly.
Les dirigeants de Tunisair craignent que l’accord ne se traduise par des pertes de parts de marché de la compagnie sur le marché européen. Les autorités tunisiennes ont donc voulu mettre à profit ce long délai de négociation pour assainir la situation de la compagnie et la préparer à affronter la concurrence des compagnies aériennes européennes. Seulement, la situation de Tunisair n’a pas encore évolué favorablement. La compagnie multiplie les déficits et traine une masse salariale colossale de 3.500 salariés (uniquement Tunisair) pour 28 appareils et une dette de plus de 300 millions d’euros. En plus, une grande partie de cette flotte est aujourd’hui clouée au sol faute de pièces de rechange.
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En dépit de ce long délai, la compagnie Tunisair est donc loin d’être prête. Cependant, l’accord donne encore un répit, de 5 ans, au pavillon national tunisien en ce sens que pendant cette période, les compagnies européennes low cost n’auront pas le droit de desservir la base de Tunisair, l’aéroport Tunis-Carthage. Selon le PDG de Tunisair, il s’agit d’"une période qu’on juge plus ou moins suffisante pour nous permettre de faire le redressement, bien que la concurrence sera très rude sur Enfidha, Monastir et Djerba".
Outre les compagnies aériennes européennes, Tunisair devra également affronter les compagnies aériennes privées tunisiennes, Tunisian Travel Services et Nouvelair, qui entendent bien grignoter des parts de marché à la compagnie nationale en développant des vols réguliers avec certains pays européens, notamment l’Italie et l'Allemagne, grands pourvoyeurs de touristes à la Tunisie. A cela va s’ajouter le Marché unique du transport aérien africain (Mutaa) qui va ouvrir le ciel tunisien aux compagnies aériennes africaines.
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Face à cette situation, le nouveau patron de Tunisair a mis en place un plan de remise à niveau de la flotte.
Cet accord reste le bienvenu, notamment pour les professionnels du tourisme. Ils espèrent qu’il va contribuer à dynamiser le secteur touristique tunisien, une fois la crise sanitaire dépassée.