Tunisie: 5 milliards de dollars à lever sur l’international dont des sukuks pour financer le budget

DR

Le 02/02/2021 à 16h00, mis à jour le 02/02/2021 à 16h02

Pour financer son budget, la Tunisie compte lever 5 milliards de dollars à l’international en 2021. Parmi les modes de financement retenus figurent les sukuks, les obligations islamiques. Ce recours à l’endettement va s’accompagner d’une série de réformes structurelles recommandées par le FMI.

La Tunisie fait face à une crise économique aggravée par la pandémie du Covid-19 qui a mis des secteurs entiers de l’économie tunisiennes dans une situation de léthargie inquiétante augmentant sensiblement les tensions sociales. Pour faire face à cette situation et relancer l’économie, le gouvernement compte recourir massivement à l’endettement extérieur pour exécuter son budget 2021.

En tout, ce sont 5 milliards de dollars qui seront mobilisés à l’international dont 3 milliards d’obligations sur le marché international de la dette, qui viendront s’ajouter à l’équivalent de 2,2 milliards de dollars de dette intérieure.

Et selon le ministre tunisien de l’Economie et des finances, Ali Kooli, le gouvernement compte diversifier ses sources de financement en recourant aussi à la finance islamique.

A ce titre, le pays fera appel au financement islamique en émettant un sukuk, obligation islamique, durant le premier semestre 2021. Par le biais de ce mécanisme, la Tunisie souhaite lever jusqu’à 300 millions de dinars, soit 111 millions de dollars.

Le pays avait tenté à plusieurs reprises de recourir au financement islamique mais sans succès du fait des lacunes dans les dispositions réglementaires. Toutefois, face à la crise actuelle, le pays compte diversifier ses sources en allant vers les investisseurs du Golfe et les pétro-dollars qui investissent dans les sukuks qui répondent à leurs obligations morales et religieuses.

Outre le recours au marché de la dette privée, le gouvernement pourrait aussi solliciter d’autres institutions multilatérales dont le Fonds monétaire international (FMI).

Seulement, le FMI exige la mise en place de réformes structurelles pour sortir l’économie tunisienne de la crise. Parmi les réformes exigées figurent la privatisation de certaines entreprises publiques. De nombreuses entreprises tunisiennes sont encore publiques et mal gérées cumulant d’énormes déficits que l’Etat est obligé de les soutenir pour éviter leur faillite. C’est le cas notamment de Tunisair et de tant d’autres entreprises minées par des crises aiguës.

Mais la réforme la plus attendue est celle de la masse salariale de l’Etat qui plombe fortement le budget. En effet, le pays compte environ 650.000 fonctionnaires, soit 6% de la population du pays, l’un des taux les plus élevés du monde, avec une masse salariale qui tourne autour de 15% du PIB du pays, contre moins de 10% avant la révolution. Cette situation s’explique par le fait que juste après la révolution, la fonction publique a été obligée de recruter de nombreux chômeurs pour atténuer les tensions sociales. Idem pour de nombreuses entreprises publiques comme Tunisair. Ce qui a contribué à plomber ces entreprises.

Reste que les tentatives visant à réduire les fonctionnaires ont toute échoué jusqu’à présent. Conséquence, la masse salariale absorbe, à elle seule, les deux-tiers des recettes fiscales et près de la moitié des dépenses globales de l’Etat. Du coup, les dépenses d’investissement de l’Etat sont réduites à leur strict minimum.

La mise en place de cette réforme est nécessaire pour bénéficier d’un nouvel accord avec le FMI. Ces réformes vont également concerner les subventions élevées qui seront réduites pour certains produits afin d’alléger les dépenses de l’Etat.

Ces réformes sont nécessaires pour réduire les déficits budgétaires de plus en plus élevés et qui poussent l’Etat à l’endettement. En 2020, le déficit budgétaire s’est établi à 11,5% du produit intérieur brut.

Si la crise financière est aigue, le ministre des Finances tente de rassurer. «Notre situation est difficile, mais cela ne signifie pas que nous ne sommes pas en mesure de payer les salaires ou de rembourser notre dette», a souligné le ministre de l’Economie et des Finances.

Reste qu’avec ce recours massif à l’endettement extérieur, et malgré les remboursements de la dette, la Tunisie va augmenter très sensiblement son taux d’endettement public qui a déjà dépassé les 90% du PIB. Un fardeau qui pèse de plus en plus lourd sur le budget de l’Etat. Rien que pour 2021, le service de la dette pèsera pour 16 milliards de dinars, contre 11 milliards de dinars en 2020.

Par Moussa Diop
Le 02/02/2021 à 16h00, mis à jour le 02/02/2021 à 16h02