Algérie: le Sénat français sceptique quant à l'accord d'association

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Le 04/08/2017 à 16h17, mis à jour le 04/08/2017 à 16h23

Dans l'état actuel de son économie qui reste peu diversifiée, l'Algérie ne pourra pas tirer profit de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne, tranche d'emblée le rapport de la commission du Sénat français en charge de l'Europe. Les termes durs utilisés témoignent de la déception des élus.

Simple «Etat rentier», l'Algérie affiche à peine «0,3% de ses exportations» vers l'Union européenne pour ce qui est des produits non-pétroliers. De plus, malgré ses énormes richesses pétrolières et gazières, elle reste une économie mono-produit. Ces constats sont déclinés dans un rapport publié par les Sénateurs français fin juillet. Cet état de fait explique pourquoi l'accord d'association avec l’UE ne fonctionnera que dans un sens, alors que l'Algérie devrait voir ses droits de douane reculer sensiblement.

«L’ouverture attendue, matérialisée par l’accord d’association, n’a pas encore produit tous ses effets», affirme le rapport. Il faut se demander si les autorités du pays ont ou non l'intention de s'engager concrètement dans un libre-échange, estiment toujours les auteurs du rapport qui doutent de leur «réelle appétence» pour l'ouverture des frontières au commerce avec l'Europe. Car, «le pays n'exporte, in fine, que de l'énergie», souligne le même document.

Si l'on observe les chiffres récents, on se rend compte qu'en 2015, le pétrole représentait «99,7% des exportations de l'Algérie vers l'Union Européenne». Les exportations de produits agricoles représentant le reste.

Comme l'accord d'association est synonyme d'exonération progressive des produits européens en droits de douane algériens et vice versa, c'est le pays de Bouteflika qui en paie les frais. Les économistes estiment le manque à gagner à 1,27 milliard d'euros pour le Trésor public algérien, rien qu'en 2016. Il s'y ajoute que, jamais dans de telles conditions, l'Algérie ne sera en mesure de rattraper son retard industriel, sauf à prendre des mesures radicales d'interdiction d'importation.

Malheureusement, de telles initiatives sont contreproductives, comme on a pu le constater avec le secteur automobile. De fausses usines de montages ont vu le jour pour importer des voitures dont les pneus sont les seuls éléments à assembler. Une supercherie qui ne permet pas de réduire les importations et qui coûte beaucoup en mesures d'accompagnement.

Les Sénateurs français ont eu la franchise de reconnaître que dans de telles conditions, seule l'Europe tire son épingle du jeu concernant l'accord d'association. Elle vend à l'Algérie 46,9% de ses marchandises importées en ne lui cédant que des produits à forte valeur ajoutée tels que les machines et les composés chimiques qui représentent 85% du total.

Au-delà, le rapport s'attaque à l'environnement des affaires, en faisant état de «l'insécurité juridique» et l'absence de visibilité auxquelles les entreprises européennes y sont confrontées. La «mauvaise image» dont pâtit l'Algérie est également liée «aux cas de corruption» ou l'existence d'un «marché parallèle de devises» et bien l'insécurité politique. Il est établi que si officiellement un euro s'échange contre 120 dinars en banque, la plupart des Algériens déboursent jusqu'à 193 dinars.

C'est dire qu'au stade actuel de l'économie algérienne, l'accord d'association est voué à l'échec tant que des changements ne se sont pas opérés en profondeur pour permettre à l'Algérie de sortir enfin de la malédiction du pétrole. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 04/08/2017 à 16h17, mis à jour le 04/08/2017 à 16h23