Bouteflika-Mugabe: mêmes ambitions, même aveuglement

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Le 19/11/2017 à 13h33, mis à jour le 19/11/2017 à 13h37

À l'image de Robert Mugabe, Abdelaziz Bouteflika souhaite rester chef d'État. Il vient de le confirmer par la voix de son conseiller Ksentini. Les points de ressemblance entre les deux leaders ne s'arrêtent pas là, et dans les deux cas, l'armée n'est pas loin.

En Afrique australe, hier samedi 18 novembre, plusieurs dizaines de milliers de Zimbabwéens, main dans la main avec les soldats, sont sortis dans les rues de Harare au cri de "Mugabe must go", Mugabe "dégage". Dans le nord du continent, ce qui aurait dû être perçu comme un avertissement pour le régime de Bouteflika semble ne pas toucher le Palais d'El Mouardia. C'est en effet le moment qu'a choisi Farouk Ksentini pour s'épancher dans la presse à propos d'un cinquième mandat pour Bouteflika.

Ksentini, soit dit en passant, est le fameux conseiller du président Bouteflika qui accusait les Africains d'être venus en Algérie pour propager "le sida et plusieurs autres maladies sexuellement transmissibles". Plus tard, à la lumière des déclarations gravissimes de l'actuel Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et du ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, les gouvernements des pays subsahariens ont compris que Ksentini n'était que le rapporteur des banalités et autres messages subliminaux que souhaitent diffuser les proches de Bouteflika. 

Cette fois, Farouk Ksentini est revenu vers les médias avec l'un de ces messages qu'il tient tout droit de celui qu'il est censé conseiller, mais dont il ne fait qu'assurer la communication finalement. "J’ai rencontré la semaine dernière le président Abdelaziz Bouteflika. Nous avons discuté pendant une heure. C’est la quatrième fois que je le rencontre cette année. Je le connais depuis plus de trente ans. J’ai constaté qu’il a un grand désir de se représenter pour un cinquième mandat. C’est son droit et nous le soutenons", a-t-il dit dans la presse en ligne algérienne. La messe est dite: Bouteflika adresse un pied de nez aux événements qui secouent le régime de l'un de ses plus fidèles alliés ou du moins les ignore. 

Pourtant, à sa place, beaucoup auraient réfléchi à plusieurs reprises avant de vouloir s'éterniser au pouvoir comme Mugabe. Ce qui est en train d'arriver à l'un risque bien d'arriver à l'autre, tant les contextes, les acteurs et les événements sont ressemblants. 

L'un veut imposer sa femme, Grace Mugabe, l'autre prépare son frère, Saïd Bouteflika, à la succession. Les deux sont vieux, malades et impotents, mais veulent encore un bout de pouvoir. Les deux estiment que le rôle joué dans la guerre d'indépendance de leur pays respectif légitime l'accaparement des rênes du pays. Bouteflika et Mugabe sont à l'évidence tous deux victimes de daltonisme politique et perçoivent l'envie de pouvoir de leurs partisans comme un soutien indéfectible.

Ainsi, Mugabe a-t-il interprété le soutien de la Zanu-PF, l'ayant investi en tant que candidat à la présidentielle de 2019, comme un nouveau plébiscite et un blanc-seing pour imposer sa femme dans la course à sa succession. Mugabe a été incapable de percevoir dans le regard agacé de son dauphin, Emmerson Mnangagwa, de la désapprobation. Pourtant, ce dernier, surnommé le crocodile à cause de son impitoyabilité, en tant qu'ex-ministre de la Défense et ex-chef des services secrets, savait que le pouvoir n'était plus entre les mains du chef de l'Etat. De même, l'armée zimbabwéenne acquiesçait de la tête quand, au fond, elle savait la partie terminée pour le chef Mugabe. 

A près de 7000 km à vol d'oiseau, quelque part dans le nord du continent africain, on sent qu'un scénario similaire est en train de se jouer. Les déclarations des responsables algériens se suivent et se ressemblent revendiquant un soutien sans faille de la candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat. Il s'agit presque d'une investiture des deux principaux partis au pouvoir que sont le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND), pendants algériens de la Zanu-PF. 

Il est également clair qu'actuellement, Saïd Bouteflika, à l'image de Grace Mugabe, écarte tous ceux qui se montrent gênants. Mais en face de lui, celui qu'il redoute le plus ne cache pas ses ambitions de succéder à Abdelaziz Bouteflika. Il s'agit, en l'occurrence, du chef de l'armée populaire algérienne. Le général Gaid Salah n'a même pas besoin de faire-valoir politique, il assume ouvertement ses ambitions en faisant régulièrement des déclarations d'intention. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 19/11/2017 à 13h33, mis à jour le 19/11/2017 à 13h37