Selon Jeune Afrique, le chanteur kabyle Idir sera finalement inhumé en France et non en Kabylie comme le souhaitent certains membres de sa famille.
Le prodige algérien, décédé à l'âge de 70 ans à l'hôpital Bichat d’une fibrose pulmonaire, trouvera sa dernière demeure dans un cimetière de la région parisienne, affirme l'hebdomadaire français spécialisé dans les informations africaines.
Plusieurs de ses proches ont pris contact avec le ministère algérien des Affaires étrangères pour voir si ce dernier était disposé à organiser le rapatriement vers sa Kabylie natale. Mais visiblement, la décision d'Alger n'aurait pas été favorable, contraignant ainsi les membres de sa famille à accepter son inhumation dans un cimetière parisien.
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Certes beaucoup de pays, comme l’Algérie et le Sénégal, refusent le rapatriement des corps de leurs ressortissants décédés à l’étranger durant cette période de pandémie du Covid-19. Alger va sans doute arguer ne pas vouloir créer de précédent, même si Idir est un chanteur adulé par des millions de personnes qui aimeraient le voir reposer auprès de ses parents.
Nénmoins, la réalité est tout autre. Idir n’était pas seulement le chanteur de la berceuse "A vava inouva", il avait également une position très claire sur l’exclusion des Kabyles dans la gestion de l’Etat algérien.
Il faut noter qu’Idir a passé une quarantaine d’années en exil hors de l’Algérie à cause de ses idées tranchées sur cette question précise. Il n’est revenu à Alger que durant l’hiver 2018, après avoir alors passé 39 ans en France, sans avoir remis les pieds dans son pays entre 1979 et cette date de retour.
Et quand il a débarqué, ce n’était pas pour seulement pousser la chansonnette. Il avait expliqué pourquoi, pendant près de quatre décennies, il n’avait pas voulu revoir sa Kabylie natale.
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C’était d’abord parce que, affirmait-il, son pays lui a interdit d’exprimer son identité amazighe. "Je n’ai pas voulu venir avant, parce que j’ai été victime d’une idéologie un peu stupide qui tendait à exclure tous ceux qui ne ressemblent pas à ceux qui l’ont instaurée". Et d’ajouter, alors, que: "politiquement, il s’est passé des choses qui m’ont blessé (...) dans les actes, dans les paroles, car on a toujours fait de moi quelqu’un qui ressemblait à un Algérien à part", essentiellement à cause de sa tendance à revendiquer son identité berbère et kabyle.
Il avait ensuite raconté des anecdotes sur la marginalisation dont a été victime la communauté berbère. "Quand je suivais le JT de la télévision nationale algérienne, j’étais obligé d’expliquer à ma mère ce que disait le présentateur". Le fait d’être reconnu comme Algérien ne suffisait pas, puisqu’en même temps, l’arabisation à outrance excluait plus de la moitié de la population.
La venue d’Idir avait eu lieu dans un contexte où Abdelaziz Bouteflika jouait la carte de l’apaisement avec les nationalistes kabyles. Il avait pris le contre-pied de son gouvernement et du Parlement en décrétant "Yennayer", la fête du Nouvel An berbère célébrée le 12 janvier, journée chômée et payée. Néanmoins, les 39 ans d’exil d’Idir rappelaient combien le combat de la communauté kabyle est légitime.
Évidemment, Alger qui savoure actuellement un apaisement de toutes les formes de contestations à cause de la concorde qu’impose la lutte contre pandémie, ne veut que rien ne vienne perturber sa quiétude.
En 2015, l'acteur Roger Hanin, avait bénéficié d'un rapatriement vers son Alger natale. Il fut enterré à côté de son père, un ex-fonctionnaire des PTT. Idir aura moins de chance.