Le secteur des assurances algériennes est frappé de plein fouet par la crise économique et court vers une crise systémique. Après avoir connu une progression de 2,2% à 130,82 milliards de dinars en 2015, le marché devrait stagner en 2016, voire enregistrer une baisse.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Toutefois, le principal demeure le comportement de la branche automobile.
En effet, ce secteur souffre fortement de la baisse des immatriculations des véhicules à cause de la politique du gouvernement visant à limiter les importations de véhicules. Une politique qui a fait passer les importations de voitures neuves sous la barre des 100 000 unités en 2016, alors qu’elles avaient atteint 300 000 unité en 2015 et 439 630 unités en 2014. Cette baisse des importations devrait se poursuivre cette année dans le cadre de la politique visant à réduire la facture des importations pour booster la production locale.
Or, selon les spécialistes, la progression des immatriculations automobile était l’arbre qui cachait la forêt. Du coup, la chute des immatriculations entraîne une baisse des primes alors que la facture des remboursements des sinistres automobiles ne cesse d’augmenter.
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Outre la baisse des immatriculations, le secteur fait face à la hausse inquiétante des sinistres à cause essentiellement de la branche automobile du fait des accidents de la route. Les accidents de la route font plus de 4.500 morts par an, plus de 55.000 blessés dont 10% d’handicapés à vie. Il faut souligner que l’assurance dommage, dominé par l’automobile, représente environ 93% du secteur des assurances algériennes. Du coup, les deux tiers des indemnisations du secteur des assurances concernent la branche automobile. Les indemnisations de la branche ont atteint 57 milliards de dinars en 2015.
Conséquence, les Sinistres à payer (SAP) ont tendance à croître beaucoup plus rapidement que l’évolution du chiffre d’affaires. Face à cette situation, des retards sont constatés au niveau des règlements. Ainsi, en 2015, le montant des sinistres réglés et non réglés atteignait 124 milliards de dinars, un montant proche du chiffre d’affaires du secteur qui est de l’ordre de 130,8 milliards de dinars, gonflé par une guerre des prix que se livrent les assureurs pour gagner en parts de marché, notamment au niveau de la branche automobile, au détriment de la rentabilité.
Algérie: un grave accident de la route fait 33 morts et 22 blessés
La dépréciation du dinar algérien tend à augmenter le coût des pièces détachées des véhicules lors des réparations et par conséuant, le coût de remboursement des sinistres.
Autre preuve de cette crise du secteur, la cadence des remboursements des sinistres ne cesse de se détériorer, passant de 47,3% en 2014 à 46,3% en 2015.
Seulement, face aux sinistres, les compagnies doivent effectuer des provisions pour régler les sinistres impayés. En 2015, à peine la moitié des sinistres ont été remboursés. Du coup, les provisions ont atteint 72,6 milliards de dinars en 2015. Pourtaht, selon de nombreux analystes du secteur, ces provisions ne reflètent pas la réalité. De nombreuses compagnies d’assurance sous provisionnent pour maquiller leurs résultats. Du coup, les autorités craignent que cette faiblesse des provisionnements n’entraîne un effondrement du secteur.
Face à cette situation et à la crainte d‘un risque systémique qui entraînerait l’effondrement du secteur, la Commission de supervision des assurances (CSA) en Algérie a demandé un rapport d’évaluation sur les provisions techniques des compagnies d’assurance. Les audits demandés doivent permettre de se faire une idée réelle sur le niveau des provisionnements. Une manière de mettre de l’ordre dans le secteur et de faire face à la hausse des dossiers non remboursés et donc au risque d’effondrement de certaines compagnies. Les compagnies sont appelées à livrer les résultats de ces audits avant le 31 mai prochain.
Toutefois, certains pensent que le secteur des assurances algériennes a surtout besoin d’une réforme en profondeur pour sortir de sa léthargie et de sa forte dépendance de la branche «dommage». Parmi les pistes souhaitées figure en bonne place la révision de la réglementation, notamment une flexibilité au niveau de la fixation des tarifs qui sont pour le moment strictement règlementés par les autorités. Parmi les autres solutions avancées figurent l’introduction du caractère obligatoire de certaines polices d’assurance et la mise en place de tarifs planchers au niveau de certaines branches.