Ce sont quelque 1,2 milliard de dollars que l'Etat algérien doit à diverses entreprises, toutes impliquées dans des projets immobiliers de l'Etat ou de travaux publics. Ces entreprises ont pour point commun de ne pas être algériennes; elles sont essentiellement chinoises et turques.
Leur misère dure depuis quatre mois, au point où leurs représentations diplomatiques respectives ont été saisies pour trouver une solution avec les autorités gouvernementales d'Alger. Une source citée par le site Tout sur l'Algérie donne des détails précis. "Il y a 130 milliards de dinars de créances impayées, réclamées par les entreprises de réalisation. Le CPA et la CNEP refusent de débloquer l’argent et de payer les entreprises de réalisation».
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L'exemple marocain
Evidemment, la cause directe de cette "insolvabilité temporaire" est tout trouvée. C'est la baisse des recettes budgétaires liées au pétrole qui explique ces intolérables retards de paiement. Mais, quand on y voit de plus près, on comprend que le vrai problème est ailleurs. Des pays, ayant beaucoup moins de ressources que l'Etat algérien ne sont pas confrontés à de tels problèmes? En l'occurrence, il est possible de citer le Maroc, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, pour rester dans ce cercle francophone où les comparasions avec l'Algérie font sens.
Ainsi, qu'est-ce qui fait réellement la différence entre le Maroc et l'Algérie ou entre le Sénégal et le géant maghrébin aux pieds d'argile, ou enfin entre la Côte d'Ivoire et ce pays africain qui a le plus gros budget d'armement? Il y a avant tout une question de gouvernance. Le Maroc dispose d'un cadre législatif qui contraint l'Etat à payer des intérêts de retard, encore appelés intérêts moratoires
D'emblée, dans son article premier, le décret de 2003 fixe un délai de trois mois concernant le réglement des marchés. "Toute dépense résultant de l’exécution d’un marché passé pour le compte de l’Etat dans les conditions et les formes prévues par la réglementation applicable aux marchés de l’Etat, doit être ordonnancée et payée dans un délai n’excédant pas quatre-vingt-dix (90) jours". En cas de retard incombant à l'Etat, le Trésor public est tenu de verser un taux d'intérêt correspondant à la moyenne pondéré des bons du trésor à trois mois émis lors du trimestre précédent. Cette sanction contre les manquements de l'Etat marocain pousse tous ceux qui sont impliqués dans l'ordonnancement de la dépense à veiller au grain.
Projet de Caisse des marchés au Sénégal
Par ailleurs, le Maroc a depuis longtemps la Caisse marocaine des marchés (CMM), devenue, depuis 2013, la Finéa et qui est chargée d'offrir des solutions de financement aux entreprises bénéficiant des marchés publics.
Mieux, avant même d'en arriver à cela, tous les projets d'infrastructures ou de BTP font l'objet d'un montage financier clair permettant de surpasser d'éventuelles difficultés du Trésor. Cela est valable dans des projets comme le port de Tanger Méditerranée où plusieurs bailleurs de fonds ont été associés, notamment dans le cadre d'une société anonyme détenue majoritairement par des organismes publics. C'est également le cas, pour les zones dédiées à l'off-shoring, les plateformes industrielles, les autoroutes, etc.
Au Sénégal et en Côte d'Ivoire, s'inspirant de pays européens, mais également de l'exemple marocain, la législation a également été revue en matière de marchés publics. Ainsi, au pays de la Teranga, en son article 105, le code des marchés publics dispose: "les délais de constatation du droit à paiement du titulaire du marché sont fixés par les cahiers des charges". Une notification des raisons du retard doit absolument être faite dans le mois qui suit aux entreprises bénéficiaires du contrat ou à leurs sous-traitants.
Mais, "Si cette notification n’est faite qu’après expiration de ce délai d’un mois, le retard ouvre droit automatiquement à des intérêts moratoires calculés depuis le jour qui suit l’expiration dudit délai jusqu’à celui de la notification". De même, selon le même texte, "les intérêts moratoires prévus sont calculés sur le montant des droits à acompte ou à paiement pour solde à un taux supérieur de 2% au taux d’escompte de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). Certes, en matière de financement des entreprises bénéficiaires de contrats avec l'Etat, le Sénégal n'en est qu'au stade de l'étude de faisabilité de la mise en place d'une Caisse des marchés publics. Cependant, dans les faits, même en l'absence de pétrole et de gaz, les délais de paiement excèdent rarement ce qui est prévu dans les contrats. Dans les rares cas où la Caisse de dépôt et de consignation a été un mauvais payeur, cela a été vivement dénoncé par la presse, ainsi que par la Cour des comptes.
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