Algérie: les licences d'importation, un coup d'épée dans l'eau

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Le 13/06/2017 à 17h18, mis à jour le 13/06/2017 à 17h21

Le gouvernement algérien avait la "bonne idée" de bloquer les importations d'une longue liste de biens afin de soulager les comptes de la Banque Centrale dont les réserves en devises s'épuisent à vue d'oeil. Finalement, l'impact a été nul et les effets pervers se font jour.

15,42 milliards de dollars d'importations à fin mai 2017, contre 15,44 milliards à la même période de l'année précédente. Les mesures drastiques du gouvernement algérien pour éviter que les réserves de change ne continuent à s'épuiser auront été vaines. En cinq mois, seuls 20 millions de dollars ont été épargnés en termes de sortie de devises. Et il n'est même pas sûr que le montant soit exact, à cause de l'existence d'un marché noir de devises qui permet de contourner les limitations mises en place. 

Rattrapées progressivement par le syndrome vénézuélien, les autorités algériennes avaient eu la lumineuse idée d'interdire en mars dernier les importations de plusieurs produits qui n'étaient pas jugés nécessaires pour les Algériens. Dans un deuxième temps, ont été mises en place les licences d'importations pour fixer des quotas et contrôler la sortie de devises. 

Sauf que c'était sans compter sur l'aversion des Algériens à contourner les règles et surtout le niveau de corruption de l'administration qui ferme les yeux à la simple vue du billet vert ou des euros. Ceux qui n'ont pas de licence d'importation peuvent prétendre acheter des produits non soumis à une licence et remplir les conteneurs d'autres articles. Ils savent qu'ils peuvent compter sur la complicité des agents de la douanes et des services porturaires. 

On voit ainsi des quinquaillers prétendre importer des produits destinés à la construction, alors que les conteneurs sont remplis de bananes, de poires et autres produits alimentaires. C'est en tout cas ce que croit savoir Tout sur l'Algérie qui s'étonne que l'arsenal anti-importation n'ait finalement donné aucun résultat probant. 

Au contraire, la liste des effets indésirables s'allonge. Ainsi, l'opacité qui entoure leur attribution fait que les licences d'importation sont désormais au centre d'un marché noir. Jusqu'à présent le gouvernement algérien n'a pas voulu publier les noms des bénéficiaires. Ce qui laisse penser que seuls ceux qui ont de vrais entrées au sommet de l'Etat ont pu décrocher les fameux césames. Dans un pays où les fils de généraux et de ministres sont devenus les nouveaux nababs de l'économie on peut deviner tout l'avantage qu'ils tireront d'un tel système. 

De plus, une fois qu'ils obtiennent les licences, l'objectif de certains est avant tout de louer leurs services d'importateurs aux vrais commerçants, moyennant une commission de 5 à 10% de la valeur de la marchandise. 

Autre conséquence inattendue, les bénéficiaires des licences n'importent pas régulièrement les biens dont ils diposent de quotas, ce qui crée des situations de pénurie et donc une évolution irrégulière des prix. 

En tout cas, la sortie de devises que voulait prévenir Abdelmajid Tebboune, actuel premier ministre et minsitre du commerce par intérim au moment de l'annonce de la mesure, se poursuit de plus belle. De plus, selon Tout sur l'Algérie, le marché noir de devises est plus dynamique que jamais. A côté du cours officiel, les importateurs sont prêts à dépenser beaucoup plus pour acquérir des dollars ou des euros afin d'assurer leurs importations. Une bonne partie des factures est probablement payée grâce à des valises qui échappent naturellement à la vigilance des douaniers. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 13/06/2017 à 17h18, mis à jour le 13/06/2017 à 17h21