Algérie: droits de douane exorbitants et faux calculs d’Ouyahia

Ahmed Ouyahia, Premier ministre d'Algérie.

Ahmed Ouyahia, Premier ministre d'Algérie.. DR

Le 28/05/2018 à 16h27, mis à jour le 28/05/2018 à 16h28

Malgré l’échec de la politique de restriction des importations et son impact négatif sur le tissu industriel algérien, le gouvernement d’Ouyahia s’entête à instituer des droits de douane prohibitifs, avec des taux allant jusqu’à 200%. Les objectifs visés par ces mesures restent chimériques.

Face à la crise aigüe que traverse l’Algérie et la chute vertigineuse des réserves en devises du pays qui se sont érodées de plus de 100 milliards de dollars en 4 ans, les gouvernements qui se sont succédé au cours de ces dernières années ont trouvé comme seule solution la limitation de la facture des importations, et ce quelles que soient les conditions. D’où la mise en place de politiques de quotas et d’interdiction des importations d’un certain nombre de produits.

Seulement, les effets escomptés ne se sont pas produits. La facture des importations reste élevée et les conséquences ont été néfastes pour les industriels algériens qui sont dépendants des intrants importés pour la fabrication de produits finaux et qui ont vu leur production ralentir à cause de l’absence de ces intrants. 

Face à cette situation, et devant l’impact négligeable des interdictions sur la facture des importations, les autorités algériennes ont été poussées à revoir leur politique.

Toutefois, face à la désapprobation des interdictions d’importation, au lieu de reconnaître son échec, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a, dans le cadre de la loi de finances complémentaire de 2018, décidé l’institution d’un droit additionnel provisoire de sauvegarde (DAPS) à la place des interdictions d’importation.

Ces droits de douane très dissuasifs, avec des taux allant de 30 à 200%, seront appliqués à partir du mois de juin 2018. «Ce taux sera appliqué aux importations de produits de luxe, qui seront ainsi taxés au lieu d’être interdites, générant ainsi des recettes pour le Trésor».

Pour le Premier ministre, ces droits de douane prohibitifs qui remplaceront les interdictions d’importation auront au moins trois avantages.

D’abord, «l’instauration du DAPS contribuera à la rationalisation des importations qui demeurent une facture trop lourde pour les réserves de change du pays». Seulement, à ce titre, le Premier ministre oublie que malgré les restrictions et les interdictions à l’importation, la facture des importations ne s’est réduite que d’un milliard de dollars pour s’établir à 40 milliards de dollars. Pour sa part, la baisse du déficit commercial est le le résultat de la hausse du cours du baril de pétrole, soit un effet conjoncturel. Elle n’a pas éliminé le déficit de la balance des paiements (26 milliards de dollars en 2016 et 22 milliards de dollars en 2017) et n’a pas freiné la dégringolade de la chute des avoirs extérieurs en devises du pays. Pire, elle a suscité la désapprobation des partenaires économiques de l’Algérie: Union européenne, France, Espagne, Etats-Unis, Turquie, etc.

L'autre justification avancée avec l'instauration du DAPS, c'est qu'il s'agirait d'«une protection supplémentaire du marché national au profit des entreprises locales qui gagneront ainsi des parts de marché», ajoute Ouyahia. Or, à ce niveau aussi, il n’est pas sûr que des entreprises qui bénéficient une telle protection puissent être compétitives et efficientes et, du coup, ce sont les citoyens algériens qui trinquent avec des produits de qualité moindre et d’un coût élevé. Le cas des voitures montées localement et qui reviennent plus chères que les voitures importées illustre les effets négatifs de ce protectionnisme.

Enfin, affirme Ouyahia, «les fournisseurs étrangers traditionnels viendront pour certains investir en Algérie, dès lors que son marché sera protégé. Tout cela génèrera des milliers d’emplois nouveaux au profit des jeunes de notre pays». A ce titre aussi, il faut souligner que la protection du marché algérien n’a permis d’attirer des investisseurs étrangers jusqu’à présent.

En effet, les opérateurs français, espagnols, américains, turcs et autres n’ont jamais cessé de critiquer certaines restrictions règlementaires qui les empêchent de s’implanter en Algérie. Outre l’environnement défavorable des affaires, ils citent tous la règle du 51/49, qui accorde 51% du capital d’un projet à l’Etat ou aux opérateurs algériens, comme un obstacle fondamentale à l’investissement. Ainsi, contrairement à ce qu’avance Ouyahia, le protectionnisme n’est pas une garantie pour attirer les investisseurs.

En clair, les objectifs visés par ces droits de douane prohibitifs restent chimériques. 

Par Karim Zeidane
Le 28/05/2018 à 16h27, mis à jour le 28/05/2018 à 16h28