Si l’Algérie a entamé son processus d’adhésion à l’OMC, organisation où elle est observatrice depuis 31 ans, elle n'est toujours pas membre de cette importante et seule organisation mondiale qui s’occupe des règles régissant le commerce entre les pays. Et malgré une demande d’adhésion, les obstacles sont nombreux entre Alger et les négociateurs de l’OMC.
Pourtant, pour le ministre algérien du Commerce, Said Djellab, cette situation résulte d’un choix délibéré de l’Algérie, choix qui s’explique par la volonté des autorités algériennes de défendre leurs intérêts. Pour lui, il s’agit d’«un choix stratégique n’ayant rien à voir avec les blocages bureaucratiques». Il exlique par ailleurs que «le retard accusé dans l’accession de l’Algérie à l’OMC est lié aux options stratégiques de l’Etat algérien, notamment en matière d’encouragement des exportations nationales et la protections du produit local».
En réalité, la question est beaucoup plus complexe. Le pays a une économie reposant quasi-uniquement sur l'exportations des hydrocarbures et quelques dérivés de ces produits qui représentent, en tout, environ 97% des recettes des exportations algériennes.
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Et face à une économie non diversifiée, qui repose essentiellement sur la rente pétrolière et gazière, tout est presque est importé de l’étranger, notamment les biens de consommation. Et les faibles produits manufacturés par l'Algérie sont globalement de piètre qualité, comparativement aux produits importés.
Du coût, le consommateur algérien est très porté sur ces biens importés, au détriment de ceux produits localement, et qui parfois coûtent presque autant sinon plus que les produits importés.
Le cas des véhicules montés en Algérie et dont le prix de vente est plus cher que ceux qui sont importés en est une parfaite illustration.
De fait, la seule façon de protéger cette industrie subventionnée et malgré tout non compétitive et de mettre en place des barrières tarifaires exorbitantes.
Comme l’a bien reconnu le ministre algérien du Commerce, «l’OMC exige la réduction des droits de douane à des taux très bas et la limitation du soutien aux exportations, lorsque l’Algérie impose des droits de douane pour protéger son produit national de la concurrence étrangère et soutient les exportations pour permettre au produit national d’accéder aux marchés étrangers».
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Or, Alger protège son marché intérieur et n’a cessé de multiplier les obstacles aux produits étrangers.
Après les quotas, elle a établi une liste d’un millier de produits interdits à l’importation en janvier 2018. Face au tollé provoqué par cette mesure qui est contraire aux accords signés par le pays avec ses partenaires, le gouvernement algérien a décidé dernièrement de remplacer ces interdictions par des Droits additionnels provisoires de sauvegarde (DAPS).
Il s’agit d’une levée des interdictions et de leur remplacement par des droits de douane exorbitants, qui se situent entre 30% et 200%. Or, avec de tels taux, l’Algérie ne peut, en toute logique, intégrer l’OMC.
En clair, si l’adhésion à l’OMC n’aura que peu d’impact sur le secteur pétrolier, déjà inséré dans une logique mondiale, il n’en demeure pas moins qu’il sera autrement pour tous les autres secteurs industriels qui seront soumis à la concurrence internationale et dépouillés des nombreuses subventions étatiques dont ceux liés au gaz. Et le prix intérieur du gaz, à cet égard, divise les négociateurs algériens et l’OMC.
Ainsi, contrairement à ce qu’avance le ministre, il ne s’agit donc pas d’une volonté délibérée de l’Algérie de se mettre à dos l’OMC qui gère les règles du commerce mondial alors qu’elle ne cesse d’annoncer sa volonté de conquérir les marchés africains, mais bien de l’échec patent de la politique économique algérienne à mettre en place une économie diversifiée, solide et compétitive.
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Pourtant, grâce aux importants revenus pétroliers engrangés durant les années de vaches grasses, avec des cours du baril de pétrole qui ont franchi la barre des 140 dollars, et des réserves en devises qui avaient presque atteint la barre des 200 milliards de dollars, une bonne politique économique aurait pu permettre d’asseoir une économie diversifiée et compétitive s’appuyant sur l’un coût d’énergie les plus bas au monde.
Malheureusement, ces réserves ont surtout servi à acheter la paix sociale et surtout à servir les intérêts de la nomenklatura, cette classe dirigeante des premiers cercles du palais de la Mouradia, ainsi que le cercle des généraux de l'armée algérienne, dans le cadre d’un système de corruption et d’accaparement des secteurs clés de l’économie algérienne.
En clair, c’est l’échec de cette politique économique qui devait permettre au pays de sortir du tout-pétrole qui fait que l’Algérie refuse d’adhérer à l’OMC au risque de détruire le peu d’industries existantes qui ne survivent que grâce à des multiples subventions et à un protectionnisme élevé, et surtout non productif.
Les pays voisins de l’Algérie, la Tunisie et le Maroc notamment, avec moins de moyens financiers, ont, grâce à des politiques économiques adéquates, mis à niveau leurs économies et sont aujourd’hui très compétitifs dans biens des secteurs, et en mesure aujourd'hui de faire face aux produits étrangers.
Conséquence pour l'Algérie: le dossier d’adhésion du pays à l’OMC, qui reste en suspens malgré des négociations entamées dès juin 1987, le sera encore pour longtemps.
Il faudra beaucoup de courage politique pour mettre fin à cette culture de la fermeture à l’heure de la mondialisation...