Si le gouvernement algérien a une seule obsession en matière économique, c'est sans doute de réussir dans le secteur de l'automobile. Et depuis l'élection d'Abdelmadjid Tebboune, le 12 décembre dernier, l'industrie automobile est ressortie dans tous ses discours et dans toutes les communications importantes du gouvernement qui veut faire oublier à tout prix l'échec retentissant de la dernière politique adoptée sous l'ère Bouteflika.
Cela passe par l'adoption d'une nouvelle feuille de route annoncée par Ferhat Aït Ali Braham, le ministre de l'Industrie, il y a tout juste deux semaines et qui devrait être prête début avril. Il vient d'accorder une longue interview à l'agence officielle algérienne (APS) où il annonce la couleur concernant cette réforme.
L'objectif est de concurrencer enfin le Maroc, comme l'a d'ailleurs fait clairement entendre le nouveau chef de l'Etat algérien qui a reproché à Renault de n'avoir pas fait en Algérie ce qu'il a réalisé dans le Royaume. On parle enfin de taux d'intégration, d'emplois locaux, contrairement à l'ancienne version qui avait comme unique objectif d'enrichir des oligarques.
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Pour hisser l'industrie automobile au niveau de celle de son voisin, l'Algérie exigera désormais un taux d'intégration de 30%, à l'image des 50% qu'imposait le Maroc à Fiat en 1997, taux ramené à 35% avec Renault en 2005. Aujourd'hui les usines de Renault au Maroc dépassent largement ce seuil puisque l'essentiel des fournisseurs du constructeur de rang 1, 2 et 3 se sont rapprochés de Tanger et Kénitra.
Peugeot, en s'installant à Kénitra, n'a même pas eu besoin qu'on lui rappelle qu'un tel seuil de taux d'intégration était nécessaire, puisque même le moteur de ses modèles sera produit localement, ce qui représente une part importante de leur valeur.
L'autre mesure phare que le gouvernement Tebboune veut sortir du chapeau est l'obligation d'apporter au moins 30% des fonds propres, au lieu de compter uniquement sur le système bancaire local et le soutien public.
A priori ces mesures devraient permettre la création d'emplois au niveau local tout en captant une part importante de la valeur ajoutée des voitures produites localement. A condition que les experts du ministère de l'Industrie ne fassent pas fausse route, notamment en exigeant des conditions drastiques aux constructeurs.
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Ferhat Aït Ali Braham, dans l'interview qu'il a accordée à l'APS, a d'ores et déjà dit que "cet objectif (un taux d'intégration de 30%, ndlr) ne pourra être atteint qu'à condition que la carrosserie soit produite localement". Par la même occasion, il a exclu les "services annexes" de la détermination du taux d'intégration, ne retenant que les intrants. Selon lui, il faudrait un investissement de 250 millions de dollars pour produire localement 200.000 carrosseries par an.
La troisième mesure importante concerne le personnel des unités de montages automobiles qui devront être essentiellement des citoyens algériens, hormis les cadres dirigeants.
Pour. Aït Ali, le montage automobile a permis, «sous couvert d’une pseudo-industrie, de surfacturer des importations, de transférer la devise vers l’étranger et de vendre dans un free-shop avec des droits et taxes insignifiants».
Cependant, ces mesures sonnent donc la fin de la récréation pour les oligarques qui avaient réussi à installer les premières unités en bénéficiant de largesses de la part de l'Etat algérien.
A ce propos, concernant l'ancienne formule, Ferhat Aït Ali Braham affirme: «On va supprimer les avantages douaniers, maintenant celui qui veut continuer à importer les kits, il peut le faire, il n’a qu’à payer des droits de douanes destinés aux produits finis».