Pétrole: le cauchemar algérien se poursuit

DR

Le 30/03/2020 à 10h40, mis à jour le 30/03/2020 à 10h42

Les soucis de l'Algérie se multiplient avec la nouvelle baisse des cours du pétrole. Toutes les prévisions sont de nouveau chamboulées, même celles qui visaient, il y a une dizaine de jours à peine, à corriger les prévisions budgétaires. Tout est à refaire.

Ce lundi un nouveau record de chute des prix du baril a été atteint. Le Brent, pour livraison en mai, cotait 22,70 dollars à 8h40 GMT à Londres. Il s'agit du plus bas prix depuis janvier 2002 pour ce pétrole de la Mer du Nord, mais surtout on s'éloigne encore un peu plus des prévisions de la plupart des pays producteurs. 

L'Algérie tablait initialement, pour son budget 2020, sur un baril de Brent à 60 dollars, une hypothèse réaliste au moment de l'adoption de la loi de finances pour l'année en cours, si l'on sait que les cours étaient autour de 65 dollars vers la fin de l'année 2019. Les perspectives étaient très bonnes et les cours avaient même atteint 70 dollars. 

Pour ce pays d'Afrique du Nord, la situation est plus que délicate, comme l'a démontré la série de mesures prises par le gouvernement la semaine dernière pour réduire de près de 30% les dépenses de fonctionnement prévisionnelles, sans même attendre la loi de finances rectificative prévue en juin prochain. 

Le gouvernement algérien a toutes les raisons de s'inquiéter puisque le pétrole représente 95,7% de ses exportations, selon la récente étude de la Commission économique pour l'Afrique (CEA). Cette agence des Nations Unies basée à Addis-Abeba, au siège de l'Union africaine, a passé en revue l'ensemble des économies du continent pour évaluer l'impact qu'aura sur elles la pandémie Covid-19. 

Ainsi sur la base de la moyenne des exportations de 2016 à 2018, les exportations algériennes d'hydrocarbures étaient de 33,9 milliards de dollars. Le baril de Brent cotait en moyenne sur cette période largement au-delà de 55 dollars, soit plus 30 dollars de plus qu'aujourd'hui. 

Si les prix se maintiennent dans la fourchette des 20-25 dollars, les recettes d'exportations dépasseront difficilement les 15 milliards de dollars, ce qui ne fera qu'aggraver les déficits jumeaux, celui du budget et de la balance commerciale. Avec un baril du Brent à 60 dollars, le gouvernement algérien prévoyait déjà un déficit budgétaire de 1.533 milliards de dinars, soit environ 12,5 milliards de dollars, alors que le déficit commercial devait être autour de 6 milliards de dollars, niveau comparable à celui de 2019.

La question qui se pose est de savoir, quel sera le réél impact d'un cours du Brent autour de 25 dollars sur le budget et sur la balance commerciale, et par conséquent sur les réserves de change.

Car, justement, ce qui inquiète le plus l'Algérie c'est plus l'effondrement de ses réserves de change que le déficit budgétaire qu'il aurait été possible de financer par la planche à billets, comme Bouteflika s'y était attelé, à partir de septembre 2017. Entre cette date et mars 2019, ce ne sont pas moins de 6.556 milliards de dinars, soit l'équivalent de 55 milliards de dollars, qui ont été mis en circulation sans aucune création de valeur ni aucun soubassement économique. Cela a permis en partie à financer le déficit budgétaire, pour 20 milliards de dollars, et même payer la dette des entreprises publiques comme la Sonatrach pour plus de 15 milliards de dollars. 

Cependant, la planche à billets risque d'être une histoire ancienne à cause de la pénurie de devises à laquelle l'Algérie va certainement faire face dans les mois à venir. L'Algérie a presque épuisé le confortable matelas financier que constituaient ses réserves de changes de 194 milliards de dollars en 2013. Le pays a débuté l'année 2020 avec un niveau de réserve de change autour 60 milliards de dollars, couvrant un an et demi d'importations.

Il faudra bientôt commencer à s'adresser activement aux bailleurs de fonds internationaux dont le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et bien sûr les fonds et partenaires arabes. Sauf que le concours de ces prêteurs en devises est incompatible avec le recours à la planche à billets. La plupart d'entre eux fermeront les yeux sur le financement non conventionnel déjà utilisé, mais ils n'accepteront pas l'utilisation conjointe des deux modes de financement. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 30/03/2020 à 10h40, mis à jour le 30/03/2020 à 10h42