Algérie: après le FMI, la Banque Mondiale prévoit une récession inquiétante

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Le 10/06/2020 à 12h02, mis à jour le 10/06/2020 à 12h21

L’économie algérienne est l’une des plus affectées par les effets de la pandémie de coronavirus au sein de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient. Si la Banque d’Algérie annonce une récession de -2,6% au titre de l’exercice 2020, le pronostic de la Banque mondiale est bien plus pessimiste.

L’Algérie figure parmi les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (MENA) les plus touchés par les impacts économiques de la pandémie de coronavirus.

D'une part, le confinement partiel a entraîné l’arrêt et/ou le ralentissement de nombreuses activités. D'autre part, le pays est particulièrement pénalisé par la baisse du cours du baril de pétrole consécutive à la chute de la demande mondiale de l’or noir en liaison avec le ralentissement de l’économie mondiale.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune en personne avant reconnu que l’Algérie est entrée dans une situation de grande «vulnérabilité économique» en mars dernier, bien avant que la situation ne s’aggrave.

Ainsi, alors que le gouvernement algérien vient de mettre en avant la capacité de résilience de l’économie du pays «renforcée par les mesures monétaires et budgétaires arrêtées par les autorités publiques» et avance que grâce au déconfinement progressif et aux plans de relances économiques, la récession se limiterait à -2,6%, la Banque Mondiale vient de publier des prévisions beaucoup plus inquiétantes.

L’institution de Breton Woods, dans son dernier rapport intitulé: «Perspectives économiques mondiales», publié le 8 juin, souligne que l’Algérie et l’Irak sont les pays exportateurs de pétrole les plus vulnérables et les plus fragilisés par le double choc des effets du coronavirus et de la chute du cours du baril de pétrole.

L’Algérie paye son hyper dépendance à la rente pétrolière. En effet, celle-ci représente 95% des recettes d’exportation et 60% des ressources budgétaires du pays. Avec la forte chute de la demande en hydrocarbures, toutes les activités économiques du pays qui dépendent fortement de la rente pétrolière sont touchées. Notamment le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) qui a vu la quasi-totalité de ses importants projets gelés.

Ainsi alors que les pays de la région MENA devrait enregistrer une récession économique de l’ordre de 4,2% au titre de 2020, la Banque Mondiale prévoit une baisse de la croissance de l’économie algérienne de 6,4%, soit plus de deux fois le niveau de récession prévu par la loi de Finances complémentaire 2020 (-2,63%).

Il s’agit de la plus forte récession du PIB qui sera enregistrée en Afrique du Nord. En effet, les économies marocaines et tunisiennes enregistreront des évolutions de leur PIB estimées à -4% pour chacune d’elles.

Avec cette nouvelle prévision, la Banque mondiale affiche un pessimisme plus marqué que le Fonds monétaire international (FMI) qui avait annoncé dans sa dernière prévision une récession de -5,2% pour l’économie algérienne.

Cette récession aura des retombées sur les plans économique et social. La chute des recettes pétrolières et la morosité de l’activité économique vont impacter très négativement les recettes fiscales et aggraver le déficit budgétaire, déjà abyssal. Le FMI pense que le déficit budgétaire pourrait se situer autour de 20% du PIB du pays, soit le pire déficit de la région MENA.

Par ailleurs, les effets de la pandémie du coronavirus et la récession vont avoir des répercussions sur le plan social. D’abord, il y a un risque que le nombre de pertes d’emplois augmente dans le secteur privé, entraînant l'augmentation du nombre de chômeurs et donc la précarité sociale.

Ensuite, cette situation risque d’engendrer une grogne sociale sachant que l’Etat algérien, qui refuse de recourir à l’endettement extérieur et qui bannit pour le moment tout retour de la «planche à billets», est obligé de réduire certaines subventions et d'accroître certaines taxes pour augmenter les recettes et atténuer le déficit budgétaire. C’est dans ce cadre que les prix des carburants ont été augmentés avec un risque de répercussion sur toute l’activité économique, notamment le transport, et un impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs.

Par Moussa Diop
Le 10/06/2020 à 12h02, mis à jour le 10/06/2020 à 12h21