Renault Production Algérie, joint-venture détenue par Renault et la SNVI vit-elle ses dernières heures? En arrêt depuis plusieurs mois, l’unité de montage de Renault Algérie vient d’annoncer un vaste plan de départ des salariés de son usine de montage de Oued Tlelat, près d’Oran.
En tout, ces départs volontaires doivent concerner 800 travailleurs sur les 1.200 salariés que compte l’entreprise.
Il s’agit de salariés qui sont maintenus depuis plusieurs mois en situation de chômage technique. En effet, durant les mois de juin, juillet et août, le personnel continue à percevoir une rémunération correspondant à 70% du salaire de base, contre 80% pour le mois de mai, 90% pour le mois d’avril et 100% en mars dernier. Des charges que l’entreprise ne peut plus supporter sachant qu’elle n’a pas de visibilité sur la poursuite ou non de son activité de montage, notamment depuis la suspension des importations des kits CKD/SKD destinés à l’assemblage des voitures du constructeur automobile français.
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Du coup, la direction et le syndicat discutent pour trouver un terrain d’entente afin de s’adapter à la conjoncture difficile marquée par l’arrêt de l’unité depuis plus de 6 mois.
Une situation consécutive au changement de la réglementation de l’industrie automobile, qui met en œuvre un nouveau cahier des charges qui vise à mettre fin au fiasco du montage automobile.
Ce cahier des charges, non encore promulgué, devrait signer l’arrêt de mort du secteur dont toutes les unités de montages sont actuellement stoppées. Certains opérateurs ont déjà décidé d’arrêter leur production jusqu’à nouvel ordre. C’est le cas de Kia Algérie qui a fermé son site de montage de Batna en mai dernier pour une durée indéterminée. En décembre 2019, c’est Volkswagen qui avait décidé de suspendre sa production en raison de la crise politique. Le constructeur allemand a comme partenaire l’algérien Sovac de l’oligarque Mourad Eulmi, en prison depuis juin 2019.
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Et pour de nombreux observateurs, Renault Production Algérie risque aussi d’arrêter sa production. Les départs volontaires ne seraient ainsi qu’une étape vers la fermeture.
Il faut savoir que de nombreux facteurs découragent actuellement les opérateurs.
D’abord, les unités de montage existantes font face à une pénurie de kits d’assemblage CKD/SKD (des véhicules en pièces détachées prêts à monter, en quelque sorte), depuis plusieurs mois. Une situation qui s’est corsée avec la décision du gouvernement algérien d’annuler le régime préférentiel pour l’importation de ces kits. Or, les industries automobiles algériennes, non intégrées localement, dépendaient complètement des importations de kits automobiles.
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Ensuite, le nouveau cahier des charges stipule que le taux d’intégration doit être d’au moins de 30% au démarrage du projet. Or, sans un écosystème avec des fournisseurs et des équipementiers déjà en place, il est impossible de démarrer une unité de montage automobile avec un taux d’intégration aussi élevé. D’ailleurs, le ministre de l’Industrie et des mines, Ferhat Aït Ali Braham, a lui-même reconnu qu’un taux d’intégration de «30% d’intrants locaux est un taux quasiment impossible, sauf si on construit la carrosserie localement». Et ce taux devrait par la suite atteindre la barre des 50% dès la 5e année d’activité.
En outre, la maison mère Renault France étant elle-même en crise, il est fort probable qu’elle ne continuera pas à soutenir une unité moribonde, surtout avec les exigences difficiles à respecter du nouveau cahier des charges. Du coup, certains observateurs pensent que Renault Production Algérie pourrait être sacrifiée dans le cadre de la restructuration du groupe Renault.
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Par ailleurs, l’autorisation d’importation de véhicules touristiques neufs par les concessionnaires automobiles a donné un coup de frein au montage automobile en Algérie, surtout avec les nouvelles règles contraignantes de taux d’intégration. Rappelons que beaucoup d’unités de montage avaient vu le jour grâce notamment à l’interdiction d’importation de véhicules neufs.
En plus, la crise sanitaire du Covid-19 est venue porter le coup de grâce au secteur automobile algérien. Le confinement et la baisse des revenus consécutive à la crise économique ont contribué à enfoncer un secteur qui battait de l’aile dès sa naissance.
Enfin, il faut souligner que la majorité des sociétés de montage automobile sont contrôlées par des entreprises appartenant à des oligarques qui avaient bénéficié des largesses du régime de Bouteflika et qui séjournent actuellement en prison. Certains ont été condamnés à de lourdes peines, avec confiscation de leurs biens. En conséquence de quoi, toute l’industrie est à l’arrêt, attendant que la situation s’éclaircisse.