Algérie. Censure: la main invisible de l'Etat frappe encore

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Le 20/11/2017 à 16h47, mis à jour le 20/11/2017 à 20h00

Revue de presseEn Algérie, les médias privés continuent de subir des pressions de toute sorte, notamment par l'intermédiaire d'un boycott publicitaire des entreprises publiques afin de les étouffer financièrement.

Près d'un an après la mort en prison du journaliste Mohamed Tamalt, le 11 décembre 2016, le régime algérien continue d'user de méthodes répréssives contre la presse. Plusieurs supports se plaignent de pressions venant souvent d'une main tout aussi invisible que lâche, mais ô combien redoutable. Ces derniers mois, la censure s'est intensifiée, suscitant l'indignation des partisans de la liberté d'expression. 

Voila 8 jours que Hadda Hazem, directrice de publication du quotidien arabophone El Fadjr, refusait de s'alimenter. Elle avait entamé une grève de la faim le 13 novembre pour protester contre la pression dont elle fait l'objet de la part des autorités algériennes. Elle vient d'y mettre fin ce lundi matin. De même, le site d'information Tout sur l'Algérie est vicitime de pratiques insidieuses qui visent à faire chuter son audience.

Hadda Hazem, une des plus virulentes plumes contre le régime d'Abdelaziz Bouteflika, dénonce le boycott publicitaire dont fait l'objet son journal. Quatre jours avant d'entrer en grève de la faim, sur la chaîne France 24, elle regrettait le comportement des autorités algériennes. "Nous avons diminué les tirages et le nombre de pages et nous avons été obligés de nous endetter pour payer les salaires des journalistes", disait-elle, ajoutant que désormais, El Fadjr limitait sa publication au net.

Mais la machine répressive reste sourde au cri de détresse de la directrice de publication. Hier, dimanche 19 novembre, ses confrères, constitités en comité de soutien, ont demandé à être reçus par Djamel Kaouane, le ministre algérien de la Communication. Cependant, ce dernier les a ignorés, préférant laisser un de ses conseillers recueillir leurs doléances.

Le comité de soutien à Hadda Hazem et au journal "Al Fadjr" s’est rendue au ministère de la communication le 19 novembre.

Il faut savoir qu'en Algérie, comme dans beaucoup d'autres pays, les journaux vivent essentiellement de la publicité. Les ventes en kiosques couvrent à peine les frais de distribution. Du coup, il faut avoir une solide clientèle d'annonceurs pour assurer les charges de fonctionnement, dont les postes les plus importants sont les salaires et les frais d'impression.

Sauf que, le régime algérien se sert des entreprises publiques comme d'une arme financière pour étouffer la presse qui refuse de se mettre à sa botte. Les entreprises privées subissent également des pressions, avec la menace d'annulation de commandes publiques pour celles qui continueraient à donner de la publicité aux médias critiques contre le régime.

Cette situation est dénoncée par les médias, mais également par Reporters sans frontières (RSF) dans son rapport 2016 consacré à l'Algérie et justement intitulé "Algérie: la main invisible de l'Etat sur les médias". Affirmant que "le pluralisme médiatique est étouffé", le rapport signalait que "tout au long des années 2000, suspension de journaux, condamnation de journalistes à des peines de prison et lourdes amendes, agressions et crimes impunis sont monnaie courante". Et dans ce même rapport, Cherif Rezgui, le directeur de publication d'ElKhabar disait: "Il y a une volonté politique de nuire à la presse dont la ligne éditoriale est critique. Nous savons de source sûre que les autorités, notamment le ministre de la Communication et celui de l'Industrie et des mines, n'hésitent pas à contacter les grands industriels pour nous priver de publicité". 

Au niveau de TSA, il semble qu'une nouvelle forme de répression ait vu le jour pour museler la presse électronique. En effet, depuis plus de 45 jours déjà, le site de TSA est inaccessible à partir des connexions effectuées via les deux principaux opérateurs de téléphonie, à savoir Algérie Telecom et Mobilis. 20 éditeurs de presse électronique se réunissent régulièrement pour la dénoncer et demander que la "main invisible" y mette fin. 

Malgré, la forte mobilisation, le régime algérien fait la sourde oreille. Hadda Hazem qui poursuivait sa grève de la faim contre l'avis de son médecin, y a mis fin lundi, après qu'un sit-in ait été organisé par son comité de soutien, devant la maison de la presse Tahar Djaout à Alger. La question est maintenant de savoir si les autorités algériennes seront sensibles à la situation de la presse ou si elles persisteront dans leur aveuglement.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 20/11/2017 à 16h47, mis à jour le 20/11/2017 à 20h00